Un inédit de Raymond Queneau (1903-1976), fût-il inachevé, cela se respecte. Mieux : cela s’accueille avec ferveur, un peu comme un don. De quoi est-il question ici ? D’une illustration de ce qu’est l’art de l’illusion, tel qu’il l’avait découvert dans Fantômas (dont il avait lu quatre fois les trente-deux volumes). Autour de quinze pieuvres (notons qu’elles viennent de Guinée), gravitent des personnages loufoques, qui ont nom Eleazard Hazard, Calvaire Mitaine (le « clàoun » de service, qui n’hésite pas à traiter l’auteur de salaud), Funeste Agrippa, Minoff, Pierre Réussi, Sulpice Fissile, le détective français Florentin Rentin, Jim Jim le boxeur nègre, et bien d’autres. On croise même un petit bonhomme en cristal de vingt centimètres, et un caniche noir, « adouci par les coups de bâton et bête comme un dictionnaire de rimes ». Pour ce qui est de l’intrigue, Queneau n’a pas forcé le talent : quelque chose comme un vague désir de vengeance, à mettre à l’actif de Mitaine. Heureusement pour le lecteur, que ces personnages malmènent, ces joyeux drilles ont la mort facile, et plutôt brutale (on ne les enterre pas moins « dans la terre dans un endroit spécialement consacré à ce faire »). Mais il faut aussi le reconnaître, tant de morts, cela n’aide pas un récit à se développer. Cela contraint même l’auteur à jeter dans la bataille de nouveaux bipèdes. Tant et si bien que le narrateur ne sait plus lui-même où il en est.
Au final, on se demande ce qu’il faut retenir de Hazard et Fissile, roman situé « à cent kilomètres au-dessus de toute autre production de ce genre », et qui rappelle souvent Boris Vian par la légèreté de son ton. Ce que l’on peut en revanche affirmer : lecteurs sérieux s’abstenir.
Hazard et Fissile de Raymond Queneau
Le Dilettante, 96 pages, 12 €
Histoire littéraire Queneau s’amuse
mai 2008 | Le Matricule des Anges n°93
| par
Didier Garcia
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Queneau s’amuse
Par
Didier Garcia
Le Matricule des Anges n°93
, mai 2008.