Le jaune orangé de la couverture souple convient particulièrement bien à la tonalité légère, sinon ludique, de ce recueil de quelques dizaines de récits. Ce qui n’est pas sans surprendre ceux qui ont lu l’un des plus grands poètes contemporains. Visiblement, la prose lui fut le territoire de repos, ou de distraction, ou au mieux d’entretien pour l’agilité de sa plume, car nulle forme de nécessité ne semble présider à l’enchaînement des phrases et des paragraphes.
Plutôt prolixe, ne renonçant pas à l’adjectif enjoliveur et à la complétive chargée, multipliant compléments et commentaires, le récit de Montale n’a pas la facture tendue et économe de ses poèmes. On admet volontiers que la ténuité des intrigues, ainsi que l’arbitraire avec lequel elles sont conduites, n’incitent pas à contraindre le langage : celui-ci va comme il veut, et bien des récits se déroulent au petit bonheur de la syntaxe, souvent s’arrêtant net ou prenant une incursion qui paraît anecdotique sinon manquée. Certes, le genre pratiqué, en lequel pourtant les Italiens, de Calvino à Buzzati, ont largement fait leurs preuves, ne laisse pas la place à une construction du personnage progressive ou polyphonique que s’autorisent les romanciers. D’autant que les textes ici réunis sont particulièrement brefs, quelquefois de trois pages seulement, et qu’il faudrait beaucoup de talent pour, en si peu d’espace, faire advenir une lueur de vérité humaine. Néanmoins, les protagonistes d’Eugenio Montale, factices dans leurs situations d’artifice, quand ils ne vacillent pas dans l’inconsistance, se contentent d’exhiber des caractéristiques volontairement grossies et caricaturales. En laissant le lecteur perplexe, hésitant à classer tel récit parmi les paraboles modernes, les souvenirs que seule la nostalgie de l’auteur justifierait, ou les esquisses des nouvelles à venir. En attendant, l’ennui plane. Seules captent l’attention certaines descriptions, celles des choses regardées, et vues, celles où une énergie authentique, une présence au monde, nous éveille. Mince consolation.
PAPILLON DE DINARD
d’EUGENIO MONTALE
Traduit de l’italien par Marco Fusco,Verdier, 217 pages, 18 €
Domaine étranger Papillon
avril 2010 | Le Matricule des Anges n°112
| par
Marta Krol
Un livre
Papillon
Par
Marta Krol
Le Matricule des Anges n°112
, avril 2010.