Quelque part, aux confins d’une humanité besogneuse, un fermier baise sa fille, encule incontinent et son aîné et son cadet, soumettant la fornication familiale aux règles d’un fordisme porcin. À San Francisco, coincé dans la cabine d’un peep show tel un rat dans sa boîte, un étudiant du Montana goûte aux plaisirs amers de la fellation. Entre Mobile et La Nouvelle-Orléans, Petit Rouge, hypnotisé par la profondeur vaginale d’une jeune prostituée, s’abîme, bille en tête. Le gardien d’un centre commercial sème la terreur au sein d’une boutique d’animaux. En pleine montagne, un homme sexuellement frustré contraint sa femme, boulimique et carnivore, à ne se nourrir que de champignons. Les vingt nouvelles de Défense des animaux et pornographie, à travers leur cortège de sadiques, d’équarrisseurs de gibier, de victimes propitiatoires et de petits jouisseurs éhontés, déploient, certes avec force rudesse, toute l’étendue de la bêtise sexuelle. Une bêtise à laquelle, en dépit des refoulements et des dérivatifs, nul ne semble pouvoir échapper.
L’habileté de J. Eric Miller, sorte de Raymond Carver des lieux interlopes, des pulsions effrénées, tient en ceci qu’il parvient, à de rares exceptions près, à désamorcer l’obscénité que sa concision cerne et dissèque. Plus qu’une simple peinture sociale, « Chaîne alimentaire », par l’outrance du trait, ressortit de la farce, du grotesque. Peut-on seulement réprimer son rire quand, lecteur asticoté jusqu’à la chute, un enfant, pour venger son honneur et singer père et frères, s’attaque au cul d’une petite truie ? Mais le rire, comme le merveilleux dévoyé de « Poisson », ne serait-il pas une manière d’évitement ? Ou pire, un orgasme…
DÉFENSE DES ANIMAUX ET PORNOGRAPHIE
dE J. ERIC MILLER
Traduit de l’américain par Claro,
Passage du Nord-Ouest, 186 pages, 14 €
Domaine étranger Défense des animaux et pornographie
juillet 2010 | Le Matricule des Anges n°115
| par
Jérôme Goude
Un livre
Défense des animaux et pornographie
Par
Jérôme Goude
Le Matricule des Anges n°115
, juillet 2010.