Pasolini, clair-obscur
- Présentation Une révolution mélancolique une révolution mélancolique
- Autre papier Un homme dans la ville
- Autre papier Arrêts sur images
- Entretien Mécanique du désir
- Autre papier « Nous sommes tous en danger »
- Autre papier Belle mort
- Autre papier Pour Pasolini pirate
- Autre papier Milano centrale
- Autre papier Constat de Pasolini sur les périls du temps
- Autre papier L’Italie en procès
- Bibliographie Bibliographie sélective
Comme il a parachuté saint Paul en plein XXe siècle, Pasolini se propose, quelque quarante ans après, d’atterrir parmi nous, dans cette France de 2013.
Ses premières rencontres : les mufles d’une bête immonde qui lui est familière. Une bête à plusieurs têtes : racisme, xénophobie, homophobie. Montée en puissance de la dynastie des Le Pen ; cour éhontée que lui font les démagogues de droite. En face, rappelant à Pasolini de bien mauvais souvenirs, les dérives d’une extrême gauche populiste. À sa tête, un bateleur d’estrade, Mélanchon, nostalgique de la Terreur de 1793, admirateur des dictatures d’Amérique latine, de la Chine écrasant le Tibet, de l’Iran des Ayatollahs, rebouteux d’un parti communiste subclaquant qui fut un des plus staliniens d’Europe. Pas autrement surpris, Pasolini, par la mitoyenneté des extrêmes en politique, lui qui garde en mémoire les attentats perpétrés par l’extrême droite italienne et les méthodes terroristes des Brigades Rouges. Quant aux skinheads partant « casser du pédé », comment ne lui rappelleraient-ils pas ces voyous stipendiés qui l’agressèrent sa vie durant. Est-ce à dire, pour autant, que la récente loi française sur le mariage gay qui boosta la haine des crânes rasés peut le séduire ? Un couple homo qui est l’exacte réplique du « bon petit couple » bourgeois hétéro qu’il abominait, pas de quoi l’enthousiasmer…
Autre étonnement de celui qui fit scandale en Mai 68 pour avoir pris le parti des policiers, fils d’ouvriers, contre celui des étudiants, fils de bourgeois : retrouver en France ces mêmes fils et filles de bonne famille (style anars de Tarnac ou commandos dits « antifas »), les uns jouant à la révolution mondiale et rédigeant des textes dans un inintelligible charabia idéologique, les autres partageant avec leurs ennemis « fas », (entendons « fascistes »), les mêmes boutiques de fringues et les mêmes méthodes de cassages de gueules (Pasolini nous donne à relire son article Le fascisme des antifascistes). Quant au rebelle qu’il fut, Pasolini, dès sa jeunesse, quelle image il a de ces lycéens et lycéennes dont il apprend qu’au lieu de se battre, comme lui le fit, contre nos sociétés de consommation néo-libérales, ces ados de 15-16 ans défilèrent sagement dans les rues, aux côtés de syndicalistes recrus d’usage, pour défendre… leur retraite !
Reste à Pasolini, condamné à maintes reprises par les tribunaux italiens pour « obscénité » et « pornographie », à faire un autre constat accablant : en France, les censures d’État n’ont plus cours ; ce sont des groupes de pression qui font le sale boulot. Livres, films, expositions sont objets de leurs plaintes en justice. Souvent, hélas, responsables de galeries, de musées, éditeurs devancent les désirs de ces minorités « citoyennes » et exigent retraits d’œuvres ou caviardages de textes, quand ce ne sont pas les artistes et les auteurs qui se castrent eux-mêmes masochistement. Autant de signes de la façon dont meurent nos démocraties. Le...