En ouverture, Liliane Giraudon avance de très belles hypothèses de lectures du nouveau livre, poème didactique, d’Yves Boudier. Elle écrit qu’il est « le nouveau test de son obstination », que ses « vers débranchés », « flottant sur vide aérien », font « aussi penser à des cailloux fixés sur un fond de courant », que sa syntaxe n’a rien d’une chantilly, plutôt est-elle « un véritable essorage à sec avec brusque enchaînement de sons et sens suspendus ». Propositions frappantes où l’infans et le bois d’hiver, lit-on, se déposent chacun, comme mode de recherche, dans les six parties de ce livre serré. D’où procède le poème, de quel lieu vient-il ? À la fois perpétuer et concentrer la mémoire d’une langue ? Telles sont les questions que soulèvent les petits blocs ras de vers de La Seule Raison du poème. Ils offrent une lecture plurielle, jusqu’à produire des accidents brillants de « clarté formelle au contenu impénétrable » : quelle « preuve dépasse/ les limites/ du feuillage// le bras-mort/ des pensées » relance la question de son existence, le poème étant plutôt trace rêveuse ténue où la raison interroge ses images, « son jouir innomé », « son blanc d’image ». Le livre ouvert est une phrase sans cesse cherchée. Destituant l’auteur de son autorité, Yves Boudier fait du poème, « faute/ d’une signature », un lieu sans nom qui « laisse/ place/ à ». Le poème « jette le dé// arrache sa tunique// troue la nuit/ qui se/ lève » : « paroi ouverte » (de Chauvet à Lascaux) sur laquelle se dessine « l’effigie/animale », le « cerne franc », « la griffe cervière », il « passe les cercles// Virgile au seuil/ libère// la main de/ « celui qui donne » ». Dante est au milieu du chemin, son relais « géophile// mémorise/ n’oublie rien/ (feuillage persistant)// de/ l’idée/ vacante », car la « langue converse » et s’offre (utopie) à tous, unanimement…
E. L.
LA SEULE RAISON DU POEME
d’YVES BOUDIER
Le Temps des cerises, 67 pages, 10 e
Poésie La Seule raison poème
septembre 2015 | Le Matricule des Anges n°166
| par
Emmanuel Laugier
Un livre
Par
Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°166
, septembre 2015.