La rédaction Julie Coutu
Articles
Au fin fond des bois
Là où la terre se fond dans les eaux, écoutons la voix des Filles du chasseur d’ours s’élever, hurler, maudire, dans un roman sauvage.
On y rencontre une forêt, l’ombre de l’ours, une chaumière abandonnée, sept filles à l’allure et au parfum d’ogresse, des trésors enterrés, une ville sous la neige, une narratrice comme une bonne fée. Et pourtant, Les Filles du chasseur d’ours n’a du conte que l’apparence, et tient les fées, bonnes ou mauvaises, très à distance. Ne serait-ce que par cette odeur qui se dégage de la troupe agitée des filles sauvageonnes et qui envahit chaque mot du texte. Comme si Anneli Jordahl avait voulu écrire un roman (le premier traduit en français) de senteurs (nauséabondes, âcres, boisées,...
D’une forêt profonde
Quand un conte pastoral se transforme en chronique sociale dans le Yorkshire. Un premier roman captivant de Fiona Mozley.
Invité inattendu de la sélection 2017 du Man Booker Prize, Elmet est un roman façon conte noir. Une histoire dans et hors le monde, une lecture sociale d’un paysage porté par la littérature et ses mythologies. Elmet, mieux connu sous le nom de Yorkshire, est le dernier royaume celtique indépendant d’Angleterre. « Au XVIIe siècle, cette étroite vallée avec ses rebords et ses landes glaciaires...
Courtoise immersion
À travers Un roman qui s’attache à dire un amour qui n’a pas lieu d’être, Kirsty Gunn questionne, au fil d’une balade, les formes mouvantes du récit.
L’œuvre de Kirsty Gunn, c’est à la fois une écriture pointue, précise, incisive, et cet intérêt constant pour la forme. Pas que le fond s’estompe, mais la forme prime. La construction narrative fait et déforme l’intrigue. C’est vrai dans chacun de ses romans (Histoire aux yeux pâles, 44, La Grande Musique), mais chaque fois un peu plus. Ainsi avec Le Bikini de Caroline, qui va toujours un peu...
Trois concerts de Lola Gruber
Toi, dès le plus jeune âge, tu as passé tes bras autour d’un violoncelle, tu as aimé le serrer contre toi, il est là, à côté de toi, tout proche, tu as eu peur pour lui, sa sangle s’était coincée, provenance nébuleuse, sans-doute-Guadagnini, ton maître aimait l’appeler “le petit bâtard”. Quatre panneaux de bois, bois initial et bois final, toute ta vie à serrer une caisse de bois, dans tes...
La Souplesse des os de D. W. Wilson
Chez D.W. Wilson on parle peu. On se confie moins encore. On s’aime, sans le dire. Son univers est masculin, silencieux, âpre, douloureux aussi. Il y a des pères, des fils, qui perdent leurs mots. Des femmes dont le sourire échoue parfois à percer les carapaces. Des amitiés d’adolescences brisées par la vie. Il y a une vraie tendresse chez Wilson, qui livre sans fard ses personnages cabossés,...