La Revue littéraire N°1
Annoncée depuis quelques mois comme un événement, pour ne pas dire « l’événement » littéraire du printemps, La Revue littéraire des éditions Léo Scheer s’est vêtue des atours de la NRf des années 80. Même rouge pour le titre, sur même couverture crème et sommaire identiquement affiché au fronton de cette première livraison. Cette apparence, pour le moins classique et datée, n’indiquerait-elle pas à quelle hauteur les éditions Léo Scheer ont placé la barre de leurs ambitions : faire de la nouvelle venue, la revue de référence que n’est plus la NRf passée trimestrielle ?
On pourrait classer les revues de création en trois genres : les défricheuses qui s’enorgueillissent de ne proposer que des nouveaux noms, les militantes qui rassemblent sous leur enseigne un même courant, les anthologiques qui visent à donner une vision panoramique de la littérature en train de se faire. C’est résolument dans cette dernière catégorie qu’il convient de ranger ce premier numéro. Car La Revue littéraire ressemble à ses supermarchés où l’on trouve un peu de tout. Un peu (vraiment peu) de poésie (Silvia Baron Supervielle), des bonnes feuilles en avant-première (Frédéric-Yves Jeannet), de la chanson (Mathieu Boogaerts qu’on préfère écouter que lire), des chroniques sous forme d’épanchements narcissiques (Gabriel Matzneff caricatural et Pierre Bourgeade), des proses au mieux légèrement divertissantes (Dominique Noguez), des notes de lecture convenues (Jean-Christophe Rufin, Guillaume Dustan), une partie critique qui fleure l’autopromotion même si le dossier consacré à Malcolm de Chazal, dont Léo Scheer s’apprête à publier les œuvres complètes, est plutôt passionnant (Jean-Paul Curnier et Éric Meunié).
Dans ce bazar où l’on trouve de tout en faible quantité les textes de fort tonnage ne trouveront pas leur place : le feuilletage ne permet pas aux lecteurs de s’installer dans le timbre d’une voix. Surtout, la part réservée à la découverte est faible. Les notes de lectures et les noms des chanteurs cités par Laurent Thessier ne déboussoleront pas les lecteurs exclusifs des magazines. C’est pourtant quand elle va du côté des auteurs les moins aguerris que La Revue littéraire offre ses meilleures pages. La nouvelle envoûtante d’Olivier Capparos, la vrille cruelle de Jacques Brou et la belle prose de Denis Grozdanovitch mettent du relief à l’horizon un peu plat de la revue. Et les Leçons sur la langue française de Pierre Guyotat qui ferment le volume, à elles seules, font qu’on suivra avec attention les prochaines livraisons de cette Revue littéraire trop peu défricheuse.
La Revue littéraire N°1 215 pages, 12 €
Éditions Léo Scheer