Les cultures et leurs évolutions produisent d’étonnants effets boomerang dans l’espace et le temps. Revue semestrielle de création, Riveneuve Continents, dirigée par Alain Sancerini et Antoine de Gaudemar, « se propose d’offrir une myriade d’Amériques aux renaissants de l’amour des mots » en se fixant pour objectif de donner à lire, d’interconnecter les langues françaises d’un bout à l’autre de la planète. Après six numéros explorant le Québec, la Belgique et même les rives de l’insolence, voici un hors série Harlem Heritage sous-titré « Mémoire et renaissance ». Il y est donc question de ce quartier new-yorkais « grosse éclaboussure d’humanité dont le cœur bat à hauteur de la 125e Rue et de la 7e Avenue » selon Chester Himes et qui vit l’explosion du mouvement « Nouveau Nègre » dans les années vingt. Harlem fut créé sur des marais asséchés. Ses appartements cossus, modernes, desservis par le métro, étaient destinés à l’aristocratie blanche. Mais le capitalisme génère d’étranges tumeurs. Spéculation, crise immobilière : la plupart de ses logements ne trouvèrent preneurs. Une « colonisation » du quartier, de ses églises par la population noire (paysans du Sud fuyant la ségrégation, émigrés africains et antillais) s’opéra, chassant peu à peu locataires et propriétaires blancs. La presse noire et les associations de défense s’y installèrent. Une élite, issue des professions libérales se constitua. Si Cotton Club, jazz, danse, gospel restent encore dans les mémoires, le bouillonnement intellectuel et la création littéraire ont été un peu occultés. Quid des chefs de file du « Nouveau Nègre » dont les prétentions étaient de bousculer les hiérarchies raciales et sociales, d’imposer des arts et une littérature noire : W.E.B Du Bois, Charles S. Johnson et Alain Locke, écrivains, mais surtout penseurs pétris de philosophie, sociologie, sciences humaines ? Quid de la jeune génération des écrivains et poètes (Gwendolyn Bennett, Countee Cullen, Jessie Fausset, Langsto
Dans une deuxième partie, un dossier rend hommage à Claude MacKay (1889-1948), élément nomade du « Nouveau Nègre », précurseur du « cosmopolitisme des cultures ». Absent de Harlem dans les années vingt, il vagabonda en Russie et en Europe, s’installa à Marseille, écrivit Banjo et Romance in Marseilles, romans ayant pour toile de fond la « porte de l’Afrique ». Un numéro autant émancipateur que fédérateur.
Riveneuve Continents, Harlem Heritage, N° hors série, 224 pages, 20 € (75, rue de Gergovie 75014 Paris)
Revue Soleils nègres
avril 2009 | Le Matricule des Anges n°102
| par
Dominique Aussenac
Soleils nègres
Par
Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°102
, avril 2009.