La Pensée de midi N°28 (Les chants d’Orphée)
La Méditerranée, mer au centre des terres, serait-elle aussi une chambre d’échos ? Comme ces profondes cavernes d’Eole où il tenait, prêts à lui obéir, à se déchaîner, tous les vents, de l’Aquilon au Zéphyr, elle conserverait, depuis l’aube des temps, rythmes et sons, mots et images. C’est ce que l’on imagine, c’est ce dont on rêve à lire ces pages de La Pensée de midi consacrées aux Chants d’Orphée et à écouter ces voix (puisque la revue tout entière est un commentaire des morceaux, choisis avec soin, du CD qui l’accompagne). Les espaces se mêlent, comme les temps, et nous ne cessons d’imaginer les paysages et les visages qui sont liés à ces expressions diverses d’une humanité partagée : de Sapho aux rappeurs des camps palestiniens, des rives d’Occitanie au cœur de l’Anatolie des alevis, de l’Espagne d’Al Andalus aux joutes poétiques des villages druzes. Partout, à travers la richesse des formes variables (de versification, de modes musicaux…), le chant lie le chanteur à son public, et le présent au passé. Toute la gamme des émotions humaines (ainsi qu’Henri Agnel la découvre, par exemple, dans les différents genres inventés par les troubadours) se décline alors : dans le fado la plainte amoureuse et la dignité face à la mort, une sensualité presque dionysiaque dans les chants « hurlés » des Pouilles, dans les accents rauques du flamenco la misère et l’humiliation des gitans… On ne peut que rêver alors d’une fraternité conquise sur les rivalités et inégalités de toute sorte, comme la musique s’enlève sur fond de silence : « Ecoutons ici ces Chants d’Orphée, écrit Thierry Fabre en introduction, ils nous aideront à remonter des enfers… »
La Pensée de midi N°28, Les Chants d’Orphée, 206 pages, 17 € (Actes Sud)