La cité Roosevelt, qui donne le titre aux sept nouvelles de Philippe Lacoche, est située à Tergnier, dans l’Aisne, pays de betteraves et de solitude. L’auteur y a vécu là son enfance, parmi les enfants de cheminots et d’ouvriers de la cité. L’exercice qui consiste à se souvenir à voix haute est périlleux : on sombre vite dans le mielleux pathétique, l’insupportable narcissisme. Ces Charybde et Scylla, Philippe Lacoche a su les éviter. Car l’auteur, ici, ne décrit pas son enfance, il la recompose, il en rebâtit les lieux, il redonne naissance aux personnages qui l’ont peuplée, bref, il la réinvente en passant par le tamis de l’écriture les souvenirs, trente ans après, de l’homme mûr. Et c’est la distorsion entre le réellement vécu et ce qui en est transcrit sur le papier qui fait que, finalement, cette enfance, c’est aussi la nôtre.
La phrase de Philippe Lacoche est d’une simplicité déconcertante, loin de tout pathos, sans aucune volonté de marquer le lecteur, de frapper son imagination. A cet égard, Première Ablette est remarquable qui fait passer l’émotion dans la simple énumération des poissons dont rêve le pêcheur en herbe. L’écriture de Philippe Lacoche est un fin ruisseau qui, étrangement, nous entraîne à la source : le temps heureux de notre jeunesse. La mémoire sélective a fait son travail, l’écriture n’a rien défait, il y a dans ces pages l’esquisse, le trait clair de toute enfance.
Cité Roosevelt
Philippe Lacoche
Le Dilettante
93 pages, 75 FF
Domaine français Souvenirs, souvenirs
janvier 1993 | Le Matricule des Anges n°3
Un livre
Souvenirs, souvenirs
Le Matricule des Anges n°3
, janvier 1993.