Avec Free jazz, son nouveau livre, Jean-Claude Pinson, comme déjà avec Fado (avec flocons et fantômes), déjante sa propre écriture en la faisant sortir de son moyeu. Ce livre, où l’autobiographie se mêle nerveusement de poétique, retrace les expériences centrales qui ponctuent la vie de J.C. comme l’auteur aime à s’interpeller tout au long de ses pages (les chantiers d’alphabétisation à Saint-Nazaire, l’enseignement en zone industrielle, le maoïsme, Nantes, etc.) dont cette passion d’adolescence pour le jazz et les mondes sensibles qu’il ouvre. Question d’oreille, question aussi de pulsation, de syncopes justement inouïes. Aussi, Jean-Claude Pinson ouvre Free jazz par sa date de naissance (« 1959, quand il (J.C.) commence à graver plage sur plage pour la marque Atlantic ») et place en tête de son premier chapitre le nom du label (Atlantic) qui fit paraître l’album mythique Free jazz d’Ornette Coleman en 1960. La table du livre est en effet précédée d’une présentation du personnel : éléments migrateurs revigorants, figures amies, fantômes, flocons de silhouettes poétiques, drôles d’oiseaux. Chaque chapitre entremêle les compagnons de route, les saxophonistes John Coltrane, Sonny Rollins, Albert Ayler, Archie Shepp aux sons stridents de son ténor, Ornette bien sûr, Elvin Jones et ses baguettes magiques, mais aussi, hybrides reconnus : à la voix Charlie Beaudelaire, à la guitare Fernando Psoa, à la clarinette Wittgenstein et, modestement, J.C. se place au synthétiseur et à l’arrangement. Voilà pour la clique. Free jazz emprunte au free sa liberté joueuse, sa rigueur, il mixe des vers nerveux à des doses de prose générale en continue, parodie parfois le poète Dominique Fourcade, hachure son texte de parenthèses volantes en signes d’oiseaux dans le ciel, salue Leopardi par un amical « Giacomo », puis campe, dans ses « Remarques mêlées sur l’effet-cabane », Ornette en Scandinavie. Why not. La suite est toute dans Free jazz, dans le vol de sa danse effrénée. Superbement conduit.
Free jazz
Jean-Claude Pinson
Éditions Joca Seria
144 pages, 15 €
Poésie My favorite things
septembre 2004 | Le Matricule des Anges n°56
| par
Emmanuel Laugier
Un livre
My favorite things
Par
Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°56
, septembre 2004.