Politique, donc. Derrière ce titre, tout un itinéraire intellectuel se déroule. C’est rien moins que soixante-dix ans (presque son âge) d’histoire que Jacques Henric revisite. Pilier du magazine Art Press, essayiste pointu et piquant, également romancier, ayant à son actif une bonne vingtaine de livres, voilà ce qu’on sait généralement d’Henric. Ce qu’on connaît déjà beaucoup moins, c’est son parcours de militant communiste, ses engagements artistiques et littéraires, querelles comprises, notamment auprès de Tel quel. Autant de phases de sa vie sur lesquelles il revient, plutôt lucide, souvent acide, rarement nostalgique. Sa trajectoire, il l’assume de bout en bout sans se renier jamais. D’où le contraste avec ceux qui au contraire esquivent leur passé, quand ils ne l’escamotent pas carrément. Suivez son regard : Duras, Blanchot. Pour ceux dont la mémoire connaîtrait des éclipses, Henric passe donc en revue les tours de passe-passe mémoriels, les amnésies et les travestissements. Épinglant « les manipulations, les trucages, les défaillances, les arasements, de la mémoire », ils évoquent nombre de ces écrivains et intellectuels qui se sont compromis à un moment ou un autre avec les extrêmes. Certains en toute connaissance de cause, par adhésion, d’autres par inconscience, désinvolture ou manque de clairvoyance, plus rarement par posture esthétique. Au gré des époques, Henric convoque ainsi Aragon, Genet, Garaudy, Jean Kanapa, Jacques Laurent, Hallier, Muray, chacun avec ses compromissions, chacun avec ses errances. Entrecoupée de passages plus strictement autobiographiques où Henric se raconte, cette archéologie des trous de mémoires, noirs, forcément noirs, voudrait en finir avec le déni de l’Histoire.
Politique de Jacques Henric
Seuil, « Fiction & Cie », 294 pages, 20 €
Domaine français Les relectures d’Henric
juillet 2007 | Le Matricule des Anges n°85
| par
Anthony Dufraisse
Un livre
Les relectures d’Henric
Par
Anthony Dufraisse
Le Matricule des Anges n°85
, juillet 2007.