Renoncants : 26 manières de se soustraire au monde (ou de renoncer à le faire)
Il aime à ce point les abécédaires, Michéa Jacobi, qu’il s’est lancé, il y a plus de dix ans, dans une entreprise un peu folle, baptisée Humanitatis elementi, consistant à rassembler 26 fois 26 vies réunies par la même obsession. Après une première série consacrée à des marcheurs – Walking Class Heroes – et une autre à ceux qui cultivèrent le goût de tout ce qui aurait dû, en principe, leur rester étranger – Xénophiles –, les éditions de La Bibliothèque nous offrent un nouvel ensemble regroupant 26 vies d’hommes ou de femmes qui ont choisi un jour de renoncer.
À l’image des vidas créées par les troubadours (né à Arles, en 1955, et marseillais d’adoption, Michéa Jacobi a dû s’en souvenir) ou des Vies brèves de John Aubrey, chaque biographie cerne une existence, en pointe la vérité intime, qui a toujours, ici, la forme d’un renoncement. Mais il y a bien des manières de renoncer. Un boxeur peut raccrocher les gants, Charles Quint peut abdiquer, un troubadour se faire inquisiteur. On peut renoncer à la gloire, au monde, à la sexualité, devenir ermite ou anachorète, abandonner la peinture pour se lancer dans l’élevage de poules, ou se contenter de renoncer de manière strictement littéraire en se contentant d’écrire un éloge du renoncement. On peut aussi renoncer au renoncement, choisir le silence comme Rimbaud. Elvis Presley, lui, choisit d’offrir le spectacle de son renoncement. « Il entreprit d’amollir ses mélodies, d’alourdir ses traits, d’engraisser » comme le dit Antoine Martin à qui l’auteur a laissé la parole, renonçant à faire mieux que lui. Quant à Brigitte Bardot, laissons au lecteur le plaisir de découvrir en quoi son renoncement en fait un disciple de Cioran. Richard Blin
Renonçants, de Michéa Jacobi
La Bibliothèque, 144 p., 14 €