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Domaine étranger Les chemins de la liberté

juin 2023 | Le Matricule des Anges n°244 | par Camille Cloarec

Plongée dans l’Inde rurale des années 1920, entre combat pour l’indépendance et lutte pour l’émancipation des femmes.

Nous sommes au printemps 1919, dans un village de l’Andhra Pradesh, au sud de l’Inde. Une jeune fille d’à peine 16 ans ne parvient pas à dormir, et pour cause : au petit matin, elle sera conduite jusqu’au bûcher funéraire de son mari pour y être brûlée. Ainsi en va-t-il depuis des siècles, en accord avec la coutume hindoue du sati selon laquelle une veuve se doit d’accompagner son conjoint dans la mort. Bien qu’officiellement interdite en 1829, cette terrible pratique persiste (quoique rarement) encore aujourd’hui. « Seul un homme avait pu inventer des règles aussi dures pour les femmes qui perdent leur mari. C’était tellement injuste. Comment se faisait-il qu’un homme avait le droit de se remarier trois mois après la mort de son épouse, alors qu’une femme, ou une fille, n’avait le choix qu’entre deux options : rejoindre son défunt mari sur le bûcher funéraire, ou vivre tel un abominable cadavre, le crâne rasé, en suivant un régime strict destiné à supprimer toute forme de désir ? » Le sort de l’héroïne, Anjali, a été scellé bien trop tôt, comme nombre de petites filles indiennes : à 10 ans, elle a été mariée de force à un homme ayant le triple de son âge. Elle a alors tout quitté pour rejoindre son nouveau foyer en tant que seconde épouse et aide à tout faire. Grâce aux remords de son père et à l’implication de son ami d’enfance, Saleem, Anjali va parvenir à s’enfuir loin de sa belle-famille. Le roman d’Hema Macherla narre les périlleuses épreuves qui parsèment son voyage et le douloureux travail de reconstruction qui l’attend, faisant de sa destinée une courageuse quête d’autonomie.
C’est la même soif d’indépendance qui secoue alors le pays tout entier. Le 13 avril 1919, la ville d’Amritsar est le théâtre d’un terrible massacre orchestré par le brigadier Reginald Dyer, lequel ordonne à ses troupes de tirer sur des milliers de manifestants pacifiques. Cette tragédie, durant laquelle Saleem est blessé, intensifie les actes de rebellion des Indien·nes contre le régime colonial. « Ils dirigent notre pays et nous sommes assis comme des Bouddhas, sans dire un mot, tandis qu’ils nous tranchent la gorge et nous brisent le crâne », réalise le jeune homme. Cependant, Saleem, comme beaucoup d’autres, se trouve en prise avec ses propres contradictions : il est le chauffeur d’un homme blanc, Mr Robert. Si ce dernier est un modèle d’humanisme, ce n’est guère le cas de son épouse, Miss Edwina, qui méprise le pays ainsi que l’ensemble de ses habitant·es. Mais Saleem n’a d’autre choix que de continuer son travail tout en se rappelant, selon un proverbe local, que « le pire ennemi d’un homme pauvre est sa propre colère ».
Le récit souligne à quel point les rapports de domination, quels qu’ils soient, demandent à être mis en perspective. Ainsi en va-t-il des conditions de vie des femmes britanniques en Inde, condamnées à attendre leurs époux dans des lieux clos et suffocants, privées de tout sens des réalités, subissant pour la plupart un quotidien stérile et solitaire. De même, les zamindars, ces riches propriétaires terriens indiens, profitent de la présence britannique pour s’enrichir sur le dos des paysans qu’ils contrôlent. Enfin, certains gangs révolutionnaires armés s’infiltrent dans les mouvements de protestation non-violente et assassinent sans scrupule des villageois de basse caste. La galerie de personnages dépeints par Hema Macherla brouille les frontières entre religions, castes, origines sociales et géographiques qui constituent autant de gouffres régissant la société indienne. L’emprise qu’elles et ils parviennent à exercer sur leurs destins ouvre un champ de possibles vertigineux, qui se dresse contre les injonctions colonialistes et patriarcales avec lesquelles nos sociétés sont toujours en prise.

Camille Cloarec

Le Destin d’Anjali
Hema Macherla
Traduit de l’anglais (Inde) par Laure Manceau
Mercure de France, 464 pages, 25

Les chemins de la liberté Par Camille Cloarec
Le Matricule des Anges n°244 , juin 2023.
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