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En grande surface Verre paradis

septembre 2023 | Le Matricule des Anges n°246 | par Pierre Mondot

La libraire du bourg a reçu un exemplaire de l’ouvrage en exclusivité, début août. Elle l’a aimé et consent à le prêter à condition que ce partage demeure confidentiel. Pas un mot sur le livre avant sa sortie officielle : si cette faveur venait aux oreilles de l’éditeur, elle en prendrait pour son matricule (clin d’œil appuyé). Juré. On lira Panorama, le dernier roman de Lilia Hassaine en loucedé. Et craché, on n’en parlera à personne.
Jusqu’à l’an passé, la jeune femme animait une chronique dans l’émission Quotidien sur la chaîne TMC. Sa mission consistait à « décrypter » l’actualité et chaque jour, elle enfonçait des portes ouvertes (Macron autoritaire, Pascal Praud islamophobe) avec chic. Il faut dire qu’elle est jolie, Lilia. Une silhouette de passante baudelairienne.
La quatrième de couverture présente le récit comme une « contre-utopie ». Libération, qui recense pas moins de six œuvres « en quête de futurs », voit dans le genre une tendance marquée de la rentrée littéraire. Quel sera le chemin le plus court vers l’apocalypse ? Les paris sont ouverts et chacun y va de sa petite prophétie : accident nucléaire, panne mondiale de tous les systèmes, dérive totalitaire, mais curieusement, assez peu de réchauffement climatique (la cote est trop faible). Pour Lilia, le déclin sera social et politique avant d’être écologique. Mais gare, car le futur, c’est tout à l’heure. L’action débute dès 2024, au moment où les victimes, exaspérées par l’inertie et le laxisme de la justice, se rebellent contre leurs oppresseurs en lançant le hashtag #revengeweek sur les réseaux : « Un étudiant d’Amiens pousse sur les rails d’un train son voisin, un ancien militaire qui battait son chien. Le patron d’un empire pétrolier, responsable d’une marée noire, est empoisonné par des militants écolos. » Notre devineresse dut se frotter les mains en découvrant cet été la première une du JDD version Bolloré (« Lettre ouverte des familles de victimes au président de la République ») : sa prédiction initiale était en chemin. La suite paraît moins probable. Passé cet amok national, Viktor Jouannet, architecte, avance une idée géniale pour résoudre définitivement le problème de l’insécurité : construire des maisons de verre. Soit le mythe de Gygès inversé : dans un univers entièrement exposé, la peur d’être dénoncé oblige chacun à respecter la loi. En 2049, les Français, conquis par ce projet, votent en majorité pour l’avènement de la Transparence et le pays se trouve scindé en deux. D’un côté, des quartiers diaphanes où crimes et délits ont disparu, de l’autre, des villes à l’ancienne dont le gouvernement refuse d’assurer la sécurité.
Sur ce décor improbable, se développe une intrigue policière qui paraît suivre avec application les méthodes enseignées dans les ateliers d’écriture. Commencer par une disparition énigmatique (plus efficace qu’un meurtre) : la famille Royer-Dumas, volatilisée au cœur de Paxton en plein jour, sans que personne ne se rende compte de rien. Un coup de théâtre à mi-parcours pour réveiller le lecteur. Un renversement final avec comme ficelle une usurpation d’identité. Hélène, la narratrice, mène l’enquête. Elle est un peu lente, mais ce handicap paraît logique : avec les progrès de l’intelligence artificielle, il est probable que d’ici trente ans les gens n’aient plus beaucoup de neurones à disposition. Nul besoin d’être champion de Cluedo pour deviner que l’architecte était coupable, le type passe son temps à se laver les mains : « Viktor nous tend un flacon de gel hydroalcoolique : je suis très à cheval sur l’hygiène. Et si vous pouviez retirer vos chaussures, aussi… »
Un des plaisirs de la science-fiction réside souvent dans innovations technologiques qu’inventent les auteurs. Rien de spectaculaire ici, mais ce que Lilia Hassaine imagine de l’avenir de la littérature paraît intéressant. Le papier a disparu et ne reste que des tablettes qui permettent de « lire la dernière version en date d’un ouvrage : depuis que les auteurs peuvent retoucher leur texte après publication, le livre n’est plus cet objet poussiéreux, figé dans le passé, il évolue, s’adapte à l’époque ». Des textes mouvants, voilà une idée à creuser.
Que nous enseigne donc cette fable ? Que les réseaux sociaux, l’utilisation massive des écrans mènent l’humanité à sa perte. Que les algorithmes nous rendent fous et que les animateurs de C8 sont odieux : « Pour ou contre l’abaissement de la responsabilité pénale à sept ans ? Vous pouvez voter directement sur les réseaux sociaux les chéris. » (quand le sage montre le soleil, le sot regarde Hanouna). Avec in fine ce paradoxe : le roman, transparent, lisse et sans profondeur, semble déjà appartenir au monde qu’il dénonce.

Verre paradis Par Pierre Mondot
Le Matricule des Anges n°246 , septembre 2023.
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