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En grande surface Drôle d’Œdipe

novembre 2023 | Le Matricule des Anges n°248 | par Pierre Mondot

On attendait l’automne pour savourer le dernier Modiano en sa bruine mais alerte, voici que soudain les sirènes de l’édition retentissent au signal d’une intrusion : un inconnu de 25 ans a vendu en deux mois ses confessions cent mille fois. La presse repère dans ce succès aussi rapide qu’imprévisible les signes d’un véritable phénomène de société. Sans surprise, le Matricule exige une enquête. Patrick attendra.
Mais ça alors quel hasard et que le monde est mince puisque Panayotis Pascot (le phénomène observé) accéda à la notoriété par la même rampe que Lilia Hassaine, commentée dans cette page à la rentrée. Les deux débutèrent à la télévision pour le magazine Quotidien. L’une analysait l’actualité et l’autre s’en moquait. Désormais écrivains, chacun continue d’évoluer dans des registres différents mais l’univers entièrement transparent cauchemardé par la romancière dans son dernier livre n’aurait pas effrayé son collègue autofictif : le petit Panayotis s’exhibe depuis qu’il a 12 ans. Des sketches sur YouTube pour commencer, avant d’intégrer l’émission de Yann Barthès. Encore lycéen, il y intervient dans le rôle de l’ado idéal : turbulent mais poli, la casquette dévissée mais le cheveu propre et les dents débaguées. L’humoriste délaisse la télévision pour les planches en créant un stand-up, Presque, dont on peut voir la captation sur Netflix. Le spectacle traite les difficiles relations avec son père et la découverte de son homosexualité. Pendant quatre-vingt-dix minutes, Panayotis passe en revue ses névroses sur un ton badin. Le public rit un peu jaune. Vient aujourd’hui ce livre, La prochaine fois que tu mordras la poussière. S’y retrouvent les mêmes thèmes que dans le spectacle (l’indifférence paternelle, le goût des garçons) avec en cerise, le récit de sa dépression. Le texte, initialement prévu pour la scène, se découpe en une trentaine de courts chapitres hétéroclites, mais rappelle davantage le cabinet du psy que le cabaret. Tapi derrière le divan, le lecteur écoute le patient Pascot s’épancher. Le garçon se montre parfois provocant : « – Est-ce que tu m’aimes ? Et là j’ai senti que tu regardais mon anus dans les yeux. » Mais comme jadis à la télévision, chaque excès de sébum se trouve neutralisé par une compresse d’Eau précieuse : « Je me dis que la découverte de sa sexualité ça passe pas par le sexe comme on pense, mais par le cœur. »
Panayotis Pascot, c’est un peu Britney Spears. Lui aussi a grandi dans le costume d’un personnage de sitcom dont les coutures ont fini par craquer. Il refuse pourtant d’en faire le deuil et reste aliéné à la figure d’ado jovial et dragueur affichée à l’écran. Son homosexualité ne cesse de l’étonner : « C’est moi qui devrais avoir la main sur sa cuisse. Et lui il devrait être une fille qui se met du vernis rouge en ricanant. »
L’autre problème de Pana, c’est Papa. C’est de lui sans doute que le fils a hérité la passion d’être vu. Ainsi, pour les fêtes de Noël, dans les années 2000, la famille pouvait se vanter d’habiter « la deuxième maison la plus décorée d’Essonne ». Aux lampions ordinaires, Monsieur Pascot avait eu le goût d’ajouter « un Père Noël gonflable de six mètres », acquis « sur un site allemand » et attaché « avec des gros câbles comme un dirigeable. » Planait donc au-dessus du foyer une figure paternelle géante (et germanique), accompagné d’une « soufflerie qui empêchait de dormir ». Les psychanalystes se roulent par terre. Encore plus peut-être en apprenant que Philippe Pascot, chevalier des arts et des lettres, possède le statut d’écrivain. Il publie des brûlots vengeurs sur la corruption du personnel politique. Le titre de son dernier ouvrage ? Allez (presque tous) vous faire…
Si cet homme encombrant a pu à l’occasion se montre un peu rude, rien toutefois qui le place très haut sur l’échelle des Thénardier. Sinon ce prénom, qui vaut Azelma ou Eponine pour l’étrangeté (car personne n’est grec dans la famille). Ou l’épisode du « lait paternel » (ainsi renommé lors du dernier congrès d’études freudiennes) : ce bol renversé par le petit Pana « et lui qui revient, qui comprend, qui va vers l’évier, calmement, qui prend une éponge, qui la rince, qui revient vers moi. Qui passe l’éponge sur la table, qui l’essore dans mon bol, encore et encore (…) s’assoit face à moi et me regarde boire cette mixture dégueulasse. » Quant au début du livre, le tyran annonce qu’il va bientôt mourir, Panayotis se découvre alors des pulsions suicidaires. L’enfant refuse qu’on lui fasse de l’ombre. Une « dépression impressionnante » diagnostique le docteur. Notre jeune écorché s’en satisfait mais aurait préféré l’étiquette bipolaire, plus cotée dans le milieu artistique. À l’issue de ses confessions, le garçon va mieux, il est tombé amoureux et communique sans se fâcher avec son papa. Lequel, nous apprend Le Monde, est guéri. Fausse alerte, en fait.


Pierre Mondot

Drôle d’Œdipe Par Pierre Mondot
Le Matricule des Anges n°248 , novembre 2023.
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