La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Domaine français Mémorable filiation

janvier 2024 | Le Matricule des Anges n°249 | par Guillaume Contré

Un hommage musical et touchant, dans une langue d’une grande intensité poétique, au défunt grand-père, personnage haut en couleur.

Tombeau pour un excentrique

Une dernière visite pour inventaire dans ce qui fut la maison, désormais en vente, d’un grand-père disparu, Wilfrid, personnage aussi attachant qu’excentrique et vitupérant, bref un échalas « colérique à souhait », ce qu’en bon français on qualifie de « soupe au lait ». Voilà qui est l’occasion pour Érik Bullot, dans ce livre initialement publié en 1996 (Deyrolle éditeur), de faire de celui-ci, champion d’un « désordre savamment orchestré » pour qui « le savoir fut un sinueux sentier dont il se plaisait pourtant à feindre, par pédanterie d’autodidacte, le caractère immémorial », un portrait sensible et subtil.
« Ainsi de tout temps, maison après maison, succession après succession, ranger les affaires des morts » : il y a là, dans cette longue tradition, une façon de retrouver le mouvement de la vie – sous la forme d’instantanés, de scènes vécues ou mythifiées – à travers l’observation des objets inertes et les lieux silencieux qui parlent encore un peu, pour combien de temps, des défunts, comme s’ils en conservaient une part du souffle ou de la folie dans un « air tissé de fils invisibles ». On ouvre un tiroir et tout est là, en splendide désordre.
« Hamlet de pacotille en équilibre sur l’arête métallique de la porte d’entrée du tombeau », l’auteur, à l’orée du livre, « hésite à franchir le pas », puis « d’un bond fauve » il « enjambe la mosaïque de la véranda », celle-là même qui, « selon les indications cryptiques de Wilfrid » contient un triangle orienté vers l’Orient, « un delta lumineux » qui « doit être à la fois absent, et présent ». Ainsi, « le feu gronde sous la mosaïque » dans l’univers de ce grand-père « cabaliste en diable ». Vous qui entrez dans cette maison, sachez qu’elle n’a rien de commun.
Mais peut-être est-ce le souvenir lui-même, sa mécanique capricieuse où s’entremêlent rêve et réalité, qui n’a rien de commun. Dès lors, son expression réclame une langue à la hauteur, non pas pour faire littérature mais pour toucher juste dans ce qui échappe, car le souvenir est une construction du temps et de son ressenti, un artifice qui agrandit, qui rapetisse, qui déforme, concentre et concasse. Il est une affaire de regard et demande une langue poétique, tour à tour savante et gouailleuse, celle qui sait concentrer le maximum d’images en un minimum de mots.
Le narrateur, sans doute, en a bien besoin, puisqu’il nous confie : « je sais qu’il est mort et il continue de parler (prosopopée) ». Car les souvenirs, les perceptions passées et pourtant toujours présentes, tintent comme des grelots qu’on agite. Les « déplacements des êtres », d’ailleurs, leurs « traces », sont « laissées intactes dans la mémoire ». Pour le grand-père, « le monde des morts et celui des vivants n’étaient pas d’une étanchéité parfaite ». Une mémoire qui est aussi celle de l’enfant que fut le narrateur, d’où une manière impressionniste pour en reconstituer la sensation ou plus exactement la déformation naturelle. Le regard de l’enfance, après tout, est peut-être le seul qui voit vraiment.
Ce livre, ni roman ni récit, une fantasmagorie, organise en poupées russes divers portraits autour de celui du grand-père extraordinaire : celui de la grand-mère, Cécile, celui de l’oncle, Raphaël, qui farfouille aussi dans le fatras de la vieille maison, et celui d’une géographie soissonnaise pleine de chausse-trappes. Un grand inventaire, donc, un rébus à compléter, d’autant que le grand-père lui aussi, « à la fin de sa vie, sans doute inquiet malgré ses dénégations, du devenir des choses », « s’attela à la rédaction d’une Histoire de sa commune ». Saisir le temps par les cornes des mots, vieille affaire.

Guillaume Contré

Tombeau pour un excentrique
Érik Bullot
Quidam, 130 pages, 15

Mémorable filiation Par Guillaume Contré
Le Matricule des Anges n°249 , janvier 2024.
LMDA papier n°249
6,90 
LMDA PDF n°249
4,00