Aucun des personnages de Décor : néant n’est vivant. Tous errent pour l’éternité hors de l’espace et du temps. Parmi ces ombres : un comte polonais responsable de massacres de juifs pendant la guerre, conduit par son fils rebelle Venceslas qui a tué un Palestinien, Lara, fiancée de Venceslas qui, elle, accompagne son père, Shimon, un juif tué sur les ordres du comte. Les eux couples pères-enfants vont se confronter avant de reprendre leur errance. Morts, ils ne peuvent plus agir. La parole devient alors le substitut de l’action pour renier, mentir ou expier un passé terrible. Le style de Rezvani en devient lyrique et incantatoire.
Dans ce no man’s land, la mémoire s’efface. Venceslas s’attache alors à son père pour l’éternité afin que son crime ne soit pas effacé. Conserver la mémoire et accepter ses propres fantômes permet peut-être d’éviter que « le monde conspire contre l’amour ».
Rezvani, dont la mère est morte dans le ghetto de Varsovie, s’attaque ici au processus qui fait qu’à la violence répond la violence. Il condamne toute logique d’affrontement et dénonce par la voix de Lara ce qui se passe en « Israël sur Palestine » où les victimes paient de leur vie la loi du Talion. « Assez de symétrie… Comme tu as fait il te sera fait ; comme il t’a été fait tu feras… Non ! Non ! Assez de ça ! » supplie finalement Shimon.
Dans la deuxième pièce du recueil, les Enfants de la Nuit, le langage est une révolte. Quatre jeunes aveugles remettent en cause le monde des voyants et s’octroient le droit de douter de tout. Ainsi pour eux le ciel est « une peau en forme de couleurs, avec, tout au fond, une plaie qu’ils disent ronde par où coule le sang éblouissant de la lumière… ».
Décor : néant suivi de
Les Enfants de la Nuit
Rezvani
Actes Sud-Papiers
71 pages, 85 FF
Théâtre Un théâtre sur parole
avril 1993 | Le Matricule des Anges n°4
Un livre
Un théâtre sur parole
Le Matricule des Anges n°4
, avril 1993.