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Revue Debouts, les vivants

septembre 1996 | Le Matricule des Anges n°17 | par Thierry Guichard

Novatrice et séduisante, le Revue Perpendiculaire prouve le contraire de ce qu’elle affirme : la bonne vitalité de la création littéraire française.

Perpendiculaire N°1

Perpendiculaire N°2

Perpendiculaire N°3

S’il fallait donner un palmarès des revues de création, il est probable que nous placerions La Main de Singe sur le podium de la catégorie « littérature étrangère ». La course aux récompenses serait plus indécise pour les revues concourant en catégorie « prose française ». On jugerait selon la qualité des textes publiés (le côté anthologie), les risques pris (le côté défricheur), les noms au sommaire (le côté collectionneur), etc. On n’aurait pas rêvé d’une revue qui fasse école. Ces revues ne se trouvent que dans l’histoire et la précipitation des modes associée à l’individualisme forcené semblaient rendre obsolète toute idée de hisser des étendards derrière lesquels certains écrivains auraient pu se ranger.
Avec la parution des trois premiers numéros de Revue Perpendiculaire, cette certitude va pouvoir être jetée au fond du grenier. Car au-delà de la qualité étonnante de quasiment tous les textes présentés, au-delà de la réussite formelle qui ne tombe pas dans le piège de l’esthétisme (piège dans lequel on ira repêcher par exemple La Revue de littérature générale de chez P.O.L), cette revue aligne une quantité de jeunes auteurs qui semblent tous écrire dans la même direction, d’où une cohérence exceptionnelle. Il n’est d’ailleurs pas innocent d’évoquer des termes passablement guerriers comme « étendard » à propos de Revue Perpendiculaire. Les deux textes-programmes de Nicolas Bourriaud qui ouvrent les numéros un et deux de la revue sont assez clairs sur l’esprit qui l’anime : d’abord le rejet d’une littérature aseptisée, proprette, outil d’endormissement. Ainsi, dans le texte (Écripostures) publié dans le premier numéro de la revue : « Personne parmi nous ne mettra en doute la propreté de notre scène littéraire. (…) On s’y déplace en patins. (…) Frotte, frotte, nettoie ta vision du monde, petit écrivain, (…) savonne, shampouine, dégraisse-toi la toison (…). Ainsi la littérature française contemporaine apparaît-elle brillante et satinée, véritable entrepôt de savonnettes ». On peut s’indigner de cette vision pour ce qu’elle a de péremptoire ; juste à 95% pour ce qui concerne les livres les plus visibles de la production, cette condamnation noie avec l’eau du bain des textes qui enchanteraient pourtant leurs détracteurs. Mais il faut peut-être faire table rase avant de pouvoir affirmer : « Qu’il s’agit d’être avant tout moderne ». Regrettant, dans le texte qui inaugure le N°2 de Perpendiculaire, l’absence de risque dans la production littéraire actuelle, « risque de l’intempestif, du ridicule, du décalé, de l’obscur ou du bizarre ; risque d’inventer de nouvelles conjonctions, des torsions inédites, de tracer des sentiers de guingois dans la forêt domaniale », Nicolas Bourriaud ajoute : « Ce qui nous retient dans les pratiques littéraires d’aujourd’hui, ce sont justement ces effets de résistance absolue à toute forme »acceptable« de littérature. Ce sont les positions perpendiculaires à la linéarité des bons goûts (…). L’adjectif »perpendiculaire« ne fonde pourtant ni une école, ni un mouvement littéraire : il définit simplement une exigence quant aux positions prises dans le champ de l’écriture et dans la vie quotidienne. » Car il ne s’agit pas seulement de produire du texte. L’engagement défini par Revue Perpendiculaire, autour de la pensée qui s’y fait jour, conduit à tout un comportement face à la vie. On a retenu la leçon de Guy Debord, sans la détourner au profit de ce que l’écrivain dénonçait comme il est de mode aujourd’hui (Achetez votre pin’s « Je hais la Société du spectacle » et gagnez 100 francs d’achats dans votre hypermarché préféré).
Créée par des amis de longue date (mais qui n’ont guère dépassé la trentaine) Revue Perpendiculaire plonge ses racines historiques à Niort où se sont rencontrés Jean-Yves Jouannais, Nicolas Bourriaud (aujourd’hui directeurs littéraires de la revue) et Christophe Duchatelet. À l’époque où leurs congénères rêvaient de ressembler à Bernard Tapie, les trois garçons fondèrent, avec d’autres, un Bulletin Perpendiculaire qui vit le jour sur les bancs de l’université de Poitiers. Aujourd’hui tirée à deux mille exemplaires Revue Perpendiculaire a trouvé un éditeur : Michalon. À l’origine : une rencontre avec François Rosset, dont le premier roman Un Subalterne venait de sortir dans cette maison d’édition. Michalon a donc flairé le bon filon et il suffit de feuilleter la troisième livraison de Revue Perpendiculaire pour s’en rendre compte.
Pas de manifeste dans ce N°3 mais des textes qui, comme celui, de Michel Bulteau, Purification technique, illustrent parfaitement les prises de position de l’équipe rédactionnelle. Purification technique est un très beau récit clinique sur le phagocytage de l’individu par la technologie et, plus particulièrement, les images. Pas de psychologie, mais des faits, des actions qui définissent les états d’âme de personnages identifiés par les deux seules premières lettres de leur prénom (comme les voitures avec leur plaque d’immatriculation). La narration volontairement plate de Bulteau trouve son écho dans le court essai que Laurent Quintreau consacre à Perec à propos de Tentative d’épuisement d’un lieu parisien. Perecophile averti, Quintreau, même s’il ne parvient pas toujours à échapper au jargon, rend limpides les enjeux de ce texte de l’auteur de La Disparition.
De même, on retiendra le bel extrait de Camille roman à paraître de Stéphanie Cohen.Fragmentaire, Camille, dans ce qu’il nous est donné à lire, confronte la banalité du quotidien (la réalité) à la nostalgie de l’amour. L’addition des deux crée une tension émouvante et terrible.
On applaudira la virtuosité de Jacques-François Marchandise qui propose un décryptage du feuilleton Dynasty dont, jusqu’ici, nous pensions qu’il s’agissait d’un navet.Le démontage de la série américaine et le commentaire très érudit qui accompagne cette dissection donnent les clés d’un des comportements prônés par l’équipe de la revue : le détournement. Il sufit de prendre les choses pour ce qu’elle ne sont pas et elles le deviennent…
Un sommet est atteint avec le superbe récit de Jean-Yves Jouannais.Un texte à se compisser de rire, d’une poésie à la Tati, une farce triste et géniale. Où l’on voit Maurice… montre ce dernier voler le micro d’un animateur d’hypermarché et, poursuivi, par les vigiles, raconter aux autres clients, via les haut-parleurs, sa misérable vie. Maurice lira même un extrait d’un de ses récits « ces flatulences vaguement écrites ». La technologie de la consommation de masse au service d’un pauvre individu ; voilà de quoi nous donner de l’espoir.
À noter, que désireuse de laisser la porte ouverte aux échanges, la revue donne rendez-vous à ceux qui le souhaitent tous les mercredis à 20 heures au café Les Marroniers, rue des Archives à Paris.

Thierry Guichard

Revue Perpendiculaire N°3
Éditions Michalon
132 pages., 40 FF Abt 4N° : 140 FF
Rédaction : 4, rue Moufle - 75 011 Paris

Debouts, les vivants Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°17 , septembre 1996.
LMDA PDF n°17
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