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Poésie Deux visages de Huidobro

mars 1997 | Le Matricule des Anges n°19 | par Marc Blanchet

L’œuvre du Chilien reste méconnue en France. Parution de Altaigle et Monument à la mer, deux grands poèmes entre modernité et tradition.

Monument à la mer et Altaigle

Ni les délirants chants d’Altaigle, ni le bien-nommé Monument à la mer du poète chilien Vicente Huidobro (1893-1948) n’étaient disponibles en langue française depuis presque quarante ans. Les deux œuvres sont d’une inspiration identique, mais diffèrent dans leur conduite et leur maîtrise. Altaigle a été écrit sur une douzaine d’années (1919-1931) et séduira le lecteur par son exploitation brillante des écritures surréaliste, expressionniste, symboliste, voire romantique pratiquées au début du siècle.
Le poète chilien a en effet beaucoup fréquenté les cercles littéraires français de la première moitié du siècle et son personnage « multiforme » d’Altaigle (un nom qui est un tout un programme) rassemble dans son délire verbal le cosmopolitisme des formes d’écriture de cette période. On passe ainsi d’une parole des plus lyriques : « Ouvrez la bouche pour recevoir l’hostie de la parole blessée/ L’hostie brûlante et angoissée qui naît en moi je ne sais où » à des passages plus proches de l’écriture surréaliste : « Moulin à vent/ Moulin de souffle/ Moulin de conte/ Moulin de mire/ Moulin de hausse/ Moulin d’onguent/ Moulin de pâture »… la liste dure presque cinq pages !
La maxime « rien ne se crée, rien ne se perd : tout se transforme » pourrait être la « phrase-manifeste » de ce livre, sans en caricaturer les procédés pour autant. Chaque chant est une roue qui brasse les données les plus diverses, d’instants vécus en visions envoûtées par leur propre richesse : « Il faut faire attention à l’œil précieux cadeau du cerveau/ L’œil ancré au milieu des mondes/ Où les navires viennent échouer/ Mais si l’œil tombe malade que faut-il faire ? »
La folie est peut-être la première narratrice de ces pages qu’il ne faut pourtant rapprocher hâtivement de celle d’un Lautréamont, par exemple. Le « final » (chant VII) est l’incarnation de cette dérive du langage et du sens, près en ceci de Michaux et des expérimentations musicales de Ligeti (l’œuvre vocale Aventures, entre autre) : « Lalila/ Rimbibolam lam lam/ Uiya zollonaire/ lalila »…Stockhausen adorerait lire de telles phrases ! Altaigle a les vertus d’être comme un résumé éclaté de l’aventure du langage poétique du début de ce siècle et dont les résonances sont encore parmi nous.
La belle architecture de Monument à la mer transcende toutes ces influences et crée une émotion dans des vers qui semblent avoir retrouvé le sens perdu par l’esprit sur le chemin d’Altaigle : « La mer enveloppant les étoiles dans ses vagues/ La mer avec sa peau martyrisée/ Et les soubresauts de ses veines/ Avec ses jours de paix et ses nuits d’hystérie. » On pensera là aussi à de grands musiciens, qui après avoir révolutionné le langage musical, retrouvent dans la limpidité de la langue ce souci du formel qu’incarne le contrepoint, les vertus de l’intelligibilité et de la structure. Huidobro a comme Stravinski porté le langage de son art à son point d’incandescence pour montrer ensuite, dans une forme plus traditionnelle, la clarté et la beauté toute charnelle de ses courbes. De la fusion à la sculpture, un maître est en tout cas à l’œuvre.

Monument à la mer et Altaigle
Vicente Huidobro
Traduit de l’espagnol
par Fernand Verhesen
Éditions Unes
18 et 109 pages, 69 et 120 FF

Deux visages de Huidobro Par Marc Blanchet
Le Matricule des Anges n°19 , mars 1997.
LMDA PDF n°19
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