Le Nouveau Recueil N°49
Editions Champ Vallon
Nous savons tous ce qu’est un paysage/ prés arbres collines et les ombres n’ontt pas de secret pour nous/ que cherchent-ils, les peintres ? » On pourrait renvoyer la question de Marc Petit à la plupart des auteurs qui ont comme lui contribué à ce N°49 du Nouveau Recueil. Ceux-ci, en effet, placent souvent leur lecteur devant un spectacle, un tableau littéraire, des architectures, des champs. La description reviendrait-elle au goût du jour ? Dans cette revue de haute tenue, dirigée par Jean-Michel Maulpoix se succèdent, comme à l’antichambre de la publication, textes en vers et proses courtes. Le Nouveau Recueil se divise en trois parties : la première de pure création ne semble obéir à aucune règle bien précise, la deuxième réunit des textes autour d’un thème et la dernière mêle critiques et chroniques.
Si la densité de l’encre sur la page varie beaucoup, on remarquera que les deux meilleures contributions de la première partie se situent à l’opposé l’une de l’autre. Dans un registre qui fait penser à Cioran, Philippe Denis aligne quelques aphorismes désabusés et nihilistes : « Prêter sa voix à ses propres silences ne dispense pas d’écourter ». On s’en délecte. A priori beaucoup plus bavard, Benjamin Jordane dont les textes sont exhumés régulièrement par Jean-Benoît Puech, se livre à la dissection d’un personnage fascinant, joueur parce qu’encombré de lui-même. On imagine ce texte écrit pas un enfant sprituel de Proust et Thomas Bernhard. C’est dire le plaisir. La deuxième partie, consacrée ici à L’Usage du quotidien apporte grâce à sa traductrice Claire Malroux une belle révélation : Adrienne Rich. Cette Américaine écrit à partir de petits riens domestiques une poésie qui finit par englober l’histoire, la géographie et toute la condition féminine. Sans se départir de l’humilité qui nous rend sa voix si proche. En écho, les poèmes d’Antoine Emaz écorchent la page, s’en extraient dans une violence nue et retenue. Benoît Conort, le plus résolument moderne de tous, clôt le sujet avec pas mal de hargne et de drôlerie, mélangeant dans ses vers les approximatives phrases de la publicité. On gardera pour la fin, comme un plaisir toujours repoussé, la chronique de Jean-Baptiste Goureau où les gens de théâtre et de radio trouveront de quoi se vêtir pour tous les hivers du prochain millénaire. Avec une sincère mauvaise foi, le bonhomme va chercher l’ennui dans les salles, et la colère devant son poste de radio. On ne saurait trop l’en remercier. Le Nouveau Recueil a pris depuis longtemps la place qu’une NRF rongée par des objectifs peu littéraires a abandonnée. Qu’il continue.
Le Nouveau Recueil N°49 - Champ Vallon - 190 pages, 90 FF (Abt 4 N° : 285 FF)