Premier livre d’une jeune femme née en 1970, ce recueil de nouvelles est habité par un humour à double facette. Car les personnages d’Anna Gavalda portent tous en eux la fêlure et cette part de haine retenue qui fait tendre dangereusement vers le ridicule. Ils ont l’attente en commun. Leur situation reste presque désespérée.
Tous les textes de Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part ont le quotidien pour cadre. Représentant en charcuterie stressé, étudiante vendant des vêtements chez Pramod : « Je déteste bosser chez Pramod mais sans ça ? Je mets du Gemey qui pue à quatre quatre-vingt-dix, je loue des films au Vidéo Club de Melun et je note le dernier Jim Harrison sur le cahier des suggestions de la bibliothèque municipale ? », adolescents en fin de course « Un garçon trop maigre avec une pomme d’Adam proéminente et un petit bouc savamment entretenu – tout ce que j’aime – s’approche de mes seins et cherche à entrer en contact avec eux », Anna Gavalda s’attaque avec acidité aux habitants de notre fin de siècle, trop centrés sur eux-mêmes, et prend peu de temps pour régler leur comptes. Dans Cet homme et cette femme, elle traduit l’ennui d’un couple de bourgeois en quatre pages seulement.
L’auteur parle plus qu’elle n’écrit, apostrophe son lecteur en le tutoyant : « Me dis pas que tu les vois pas les amoureux, y’en a partout. Des baisers qui n’en finissent pas avec beaucoup de salive, la trique sous les blue-jeans, les mains qui se baladent et les bancs tous occupés. »
Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part est un livre tonique et efficace, rare aussi, puisqu’on sourit beaucoup, même si le rire, fragile, laisse toujours une place au drame.
Je voudrais que quelqu’un
m’attende quelque part
Anna Gavalda
Le Dilettante
224 pages, 99 FF
Domaine français La vie moderne
octobre 1999 | Le Matricule des Anges n°28
| par
Benoît Broyart
Un livre
La vie moderne
Par
Benoît Broyart
Le Matricule des Anges n°28
, octobre 1999.