Défini par l’auteur, disparu au début de l’année, comme un roman « presque à l’eau de rose », Les Filles du capitaine s’attache aux femmes surtout, en définissant leur place dans l’Espagne à la fin de la guerre civile. Le cadre, Villarreal de la Mar, cité fictive plantée sur la côte galicienne, permet à Torrente Ballester de déployer l’attirail d’une fiction qui dénonce à chaque page le fonctionnement du régime autoritaire. Car la province abrite une ville où « tout se sait, à l’instant même, à l’heure suivante ou au pire le lendemain. »
Cristina et sa cadette Chon sont orphelines. Leur père, capitaine, a été exécuté pour ses idées et la mère en est morte de chagrin. Elles reviennent de Madrid pour vivre chez leur tante, dans la petite ville qui les a vues naître. Très vite, la rumeur se met en place à tous les niveaux et freine leur progression. L’éducation madrilène des deux jeunes « filles du fusillé rouge » dénote. Elles sont décriées l’une après l’autre.
Torrente Ballester sonde une société réactionnaire. Il s’attache aux détails et mise sur un grand nombre de personnages, parfois juste effleurés, pour ramener à la surface leurs comportements étroits. À Villarreal de la Mar, aucun geste gratuit. Il est toujours question de positionnement social et de mariages avantageux. Puritanisme, hypocrisie, dénonciation, l’auteur montre un petit groupe d’humains soumis à des codes stricts et mesquins. Les Filles du capitaine se livre avant tout comme le roman d’une contestation sous-entendue, car l’univers de Torrente Ballester porte, comme celui de beaucoup d’écrivains espagnols de sa génération, la marque douloureuse de la dictature.
Les Filles du capitaine
Gonzalo Torrente Ballester
Traduit de l’espagnol
par Claude Bleton
Actes Sud
208 pages, 119 FF
Domaine étranger Les rumeurs de la côte
octobre 1999 | Le Matricule des Anges n°28
| par
Benoît Broyart
Un livre
Les rumeurs de la côte
Par
Benoît Broyart
Le Matricule des Anges n°28
, octobre 1999.