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Nouvelles La prochaine fois j’avalerai tout !

décembre 2001 | Le Matricule des Anges n°37

Stéphane Prat a 36 ans et habite Brest. Dernier boulot : déménageur. Dernier livre lu : Enfantillages de Raymond Cousse. Ce texte est extrait de son unique roman, Allers simples pour la face cachée de la lune*, en quête d’éditeur.

Félix tombe chez Juliette comme une couille dans la soupe.
MizDu, la petite soeur de Juliette, fait ses devoirs, penchée sur la table de la cuisine comme une âme sur un ange mort. Elle résout un système d’équations du second degré et se dit encore une fois qu’elle n’a rien à gagner dans la résolution d’un système d’équations du second degré, qu’elle n’y gagnera jamais rien et qu’il est temps pour elle de vivre. Mais il faut bien que d’une manière ou d’une autre elle détache son attention de la porte de la chambre de Juliette, dont le silence est brûlant, humiliant. Alors ce système à l’agite-moi-le-mou, avec ses soit-disant inconnues et ses gros sabots vibromasseurs, c’est bien la diversion idéale qu’une môme de douze ans amoureuse et humiliée par sa propre grande frangine puisse trouver. Elle ne lève pas la tête quand Félix lui parle. Elle n’en revient pas que ce vieux con ait pu manigancer une histoire pareille et lui retire, quoiqu’involontairement, le sexe de la bouche.
Deux heures à peine que Félix a arrêté son plan et qu’avec un enthousiasme délirant Louri a jugé ce plan proprement prodigieux. Cela ne présageait rien de bon pour Félix. Tout était trop simple, les seins du destin trop gros et trop fermes, et sous son gros cul le plateau brillait trop. Félix se cramponnait au dossier d’une chaise pour ne pas s’écrouler sur le carrelage de la cuisine comme un boyau bourré de merde, puis son môme a accepté l’inacceptable et l’enclume d’impuissance lui a brutalement quitté les épaules, laissant un sentiment d’angoisse imprimer un rythme complexe et obsédant aux petites particules diaphanes qui s’entrechoquent toujours à présent, alors que MizDu travaille si voluptueusement à ne pas faire ses devoirs, devant ses billes injectées de sang.
MizDu prend bien soin de laisser la porte de la salle de bain ouverte, qu’apparaissent, disparaissent et réapparaissent dans la glace des attitudes de femme trompée sur son corps d’enfant, paresseusement.
Félix se demande non seulement ce qu’il fait là, mais surtout ce qu’il va bien pouvoir trouver pour rester. Il est défiguré comme s’il allait recracher ses lèvres. Le coeur au bord des yeux. Un coeur avec une haleine de coyote et une gueule de bois aussi subite qu’inexplicable. Le voilà propre le Félix, perdu comme une botte de sept lieues dans conte à la mords-moi-le-noeud. Pour débloquer il débloque, quand plus blanc que blanc Louri s’éjecte de la chambre, met un moment pour capter sa présence et finit par exploser :

 MAIS QU’EST-CE QUE TU FOUS LÀ ?!!!
Alors Félix frappe à la porte de la chambre de Juliette et s’engouffre dans le silence qui lui répond en se vidant le plus délicatement possible de son angoisse.
Par sa fenêtre Juliette sourit béatement aux gens qui sourient béatement à la lune. La lune fume des cornes. On sort à peine de l’hiver comme d’une longue nuit blanche dont personne n’espérait plus la mort. L’hiver est mort et la vie vide. C’est le moment de changer de peau.
Félix pose son cul dans le rocking-chair. Et Juliette le sien sur Félix. Un cul encore en activité, le cul d’une poule dont le coq vient de se faire trancher la tête. Elle prend des cambrures inédites quand Félix la caresse. Elle parle de la vie comme si elle venait d’en sortir. Elle mijote une tambouille de poésie toute en vérités idiotes et incontournables, et finit par lui demander, au Félix, s’il se souvient de la première fois qu’une fille a posé les doigts sur sa queue.

 C’est aussi la première fois que je glissais les miens entre les cuisses d’une fille… Je me souviens plus de son nom mais je me souviens de ses cuisses comme si c’était les tiennes, Juliette… Ça n’a pas fait un pli, j’ai tout lâché sur sa jolie robe… Elle a maté mon cachalot gicler jusqu’au bout et je suis reparti en me demandant d’où pouvait bien venir tout ce foutre… C’est la fois d’après qu’on a fait le bébé… Elle a fini de me tailler une pipe et très gravement, ma jute aux lèvres, elle m’a annoncé qu’elle l’appellerait Vic. On avait tout prévu pour Vic. J’avais arrangé un coin dans ma piaule, avec un pieu de nain et des jouets. Elle stockait des couches culottes. On s’est pas touchés pendant des mois, à peine regardés, et un soir elle a rappliqué chez mes vieux et m’a annoncé : Vic est mort ! J’ai saigné aujourd’hui, M’man dit que je suis devenue une femme mais moi je sais bien que Vic est mort ! Elle a trempé l’épaule de mon tee-shirt pendant deux plombes, elle s’est redressée d’un bond et a braillé : LA PROCHAINE FOIS J’AVALERAI TOUT !!!

 Es-tu sérieux ?!…

 Sûr ! On avait à peu près l’âge de MizDu, et crois-moi je n’ai rien essuyé de plus dur dans la vie depuis… On a bien pensé à se faire sauter le caisson, mais finalement on a décidé d’en découvrir un peu plus, et comme ça n’en finit jamais je suis encore là à bander contre ton gros cul…
Il se faut de peu qu’il ne refasse le parquet quand Juliette quitte le rocking-chair.
Avant d’enfourner son engin, elle lui promet de le pomper jusque la dernière goutte.
Félix se fait toujours pomper le dard quand les deux mômes, dans la cuisine, traversent la foudre.
Quand ils sortent de la chambre, les joues rouges et le sang rapide, Louri n’a toujours pas décampé et n’a d’yeux que pour le petit cul que MizDu promène tranquillement autour de la table en faisant exagérément gaffé à chacun de ses gestes, arrangeant les ficelles des sachets de thé qui pendent des tasses avec une délicatesse délirante, tandis que sur le feu la bouilloire est sur le point de faire sa cocotte. Les deux mômes sont légers et déterminés comme s’ils étaient sur le point de partager un doigt de ciguë avant de filer se pieuter, et attendaient sans même s’impatienter que Juliette et Félix, l’un se perdant en soupirs énervés, l’autre rentrant sa tête dans les épaules chaque fois que sa petite cuiller heurte sa tasse, se fassent la malle et les abandonnent à leur sieste sidérale, qu’ils se lovent enfin autour de l’unique souci de ne jamais en revenir.

Stéphane Prat
* Disponible sur le site de manuscrit.com

La prochaine fois j’avalerai tout !
Le Matricule des Anges n°37 , décembre 2001.