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Théâtre Les voix rebelles

mai 2003 | Le Matricule des Anges n°44 | par Laurence Cazaux

Quelle représentation du monde le théâtre peut-il mettre en jeu aujourd’hui ? Enzo Cormann place avec "Cairn" un nouveau jalon dans dans sa tentative d’affranchissement.

En montagne, un cairn est un monticule de pierre édifié par des explorateurs, des alpinistes pour marquer un repère, indiquer un passage. Dans la nouvelle pièce d’Enzo Cormann, c’est le nom de son personnage principal. La pièce est construite en trois temps, un prologue où l’on voit Cairn enfant, à l’école primaire. Il est en train de recevoir des coups de règle sur les doigts pour ne pas connaître sa table de multiplication. Lorsque le directeur survient pour lui annoncer la mort de son père à la guerre d’Algérie, l’enfant dans une ultime confrontation avec le maître, demande seulement de recevoir les coups de règle manquants. La première partie, « Le monde libre », se situe des années plus tard. Cairn est devenu délégué du personnel d’une entreprise qui licencie son personnel pour cause de restructuration. Après une tentative de négociation, la première partie se termine par l’évocation de l’évacuation de l’usine par les CRS. Pour Cairn, « Le »monde libre« était donc ce monde où les pères se tuaient à la tâche avant d’être tués à la guerre. Il n’y avait que deux sortes de liberté, en définitive : celle du maître qui me filait des coups de règle sur les doigts, et celle de continuer à lui tenir tête, en dépit des coups. Peu importe les coups. (…) Un point de suture vaudra toujours mieux qu’une courbette. Voilà pourquoi on se bat. Parce qu’on veut la justice, et le respect. » Enfin la dernière partie,« L’ombre des noyés », c’est la noyade de Cairn dans son affrontement au monde, avec un enchaînement de plus en plus rapide de violences.
La pièce pose entre autres comme question comment se confronter au monde aujourd’hui ? Et « pourquoi se rebiffer quand il est si commode, au fond, si confortable d’obéir ? »
Dans une contribution écrite aux États Généraux des auteurs en 2000, Enzo Cormann pointait du doigt cette difficulté de dire le monde : « Aucune histoire n’est aujourd’hui à même de brosser l’époque en l’état - encore moins en perspective. Il s’ensuit que le rôle, la stature (à défaut de statut) de l’écrivain de fiction se trouve profondément modifié. Pas plus qu’aucune histoire, aucun écrivain ne saurait aujourd’hui prétendre embrasser l’époque. Dans le même temps, jamais époque n’aura requis de manière plus impérieuse l’écrivain de fiction. Le champ de la fiction, confronté à l’accélération et à l’hypercomplexité de l’Histoire, s’atomise en chantiers singuliers. (…) Il est donc urgent de transformer les musées que sont devenus de fait la plupart des théâtres, en assemblées vivantes, méditantes et interrogeantes. »
C’est dans cet essai-là que Cairn est une petite pierre blanche pour le théâtre. Le style d’Enzo Cormann est rapide, percutant, brillant, les répliques sonnent comme des coups de poing dans un combat, vif, acharné. Les personnages créés par Cormann sont fortement définis. Ainsi le vigile Cass et son (anthropo)chien Grand qui marche sur ses pattes arrière et soutient une conversation avec son maître. Voici un exemple de leurs échanges : « Tu peux me dire pourquoi certains chiens ne se contentent pas de fêter leur maître et de remuer la queue comme font les chiens ordinaires ? », réponse du chien : « Parce que les hommes ordinaires font ça beaucoup mieux qu’eux. »
Une fable grimaçante qui essaie de se poser la question de l’acte de résistance face à la mondialisation pour ceux qui ne choisissent ni la révolution, ni la poésie, ni le pouvoir…

Cairn
Enzo Cormann
Éditions de Minuit
128 pages, 10

Les voix rebelles Par Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°44 , mai 2003.