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Domaine français Idylle clinique

juillet 2003 | Le Matricule des Anges n°45 | par Philippe Castells

En une longue phrase noire de douleur, Laurent Évrard livre l’errance convulsive d’un homme meurtri par l’abandon. Quand les amours mortes ravagent le réel.

Peut-on encore parler d’amour ? Et quelle approche choisir pour sortir des sentiers battus ? L’idylle se caractérise par sa brièveté létale et l’abattement qui s’en suit quand on lui survit. Le récit de Laurent Évrard exprime le ressenti de cette dépression, c’est un cri après la brûlure, l’intense regret de cette torture que fut l’amour et l’état d’extrême dénuement où il laisse. Il s’agit là d’un travail de deuil.
Ici sont évoqués la perte, le départ, mais plus encore le sentiment aigu de la trahison et de l’injustice qui vient colorer de douloureuse façon le vide cruel que crée l’absence. Comme l’exprime le titre, ce dont il s’agit relève de la passion, du moins pour le narrateur. Presque rien n’est dit sur le ressenti de l’adorée, juste une phrase ou un propos qui ravive l’affliction, mais qu’importe : elle est partie, et les mots (les maux) de l’adieu ont crucifié le narrateur. Laurent Évrard nous offre un traité de la dépression amoureuse vue par le malade, une auto-analyse. L’approche est systémique, précise, sous l’angle des symptômes. L’auteur ne nous livre pas tant des faits que des sentiments, ceux que suscite la réflexion sur la confiance accordée et surtout le souvenir des émotions qui jalonnèrent cette relation. Le héros, si l’on peut dire, cherche la sortie de l’impasse psychologique où il s’est fourvoyé : « ainsi donc, ce qu’il avait dit, tout d’abord, pour s’en convaincre : je vais poursuivre, peut-être pour sauver quelque chose », et chemin faisant nous découvrons l’inexorable pente qui le conduisit à la peur du monde : « elle, l’advenu(e), sans elle, ce qui advient : la folie, la mort (…) la peur : ce qu’appelle en lui désormais le temps présent ».
Évrard désirerait-il exciter chez le lecteur tant la corde du cœur que celle de l’intellect qu’il ne s’y prendrait pas autrement. Le livre consiste en une seule, même et longue phrase de 86 pages sans point, si ce n’est parfois d’interrogation, sans majuscule, sauf aux rares patronymes, qui se délie telle une logorrhée au rythme saccadé, avec des changements de perspective qui intensifient et contrastent le point de vue du narrateur : « je cherche un corps qui peut donner le semblant ; (…) il se redresse, commence à répéter l’action, (…) j’ai le corps retourné, battu et bouté en son fond (…) il va de travers, tout en vrac, de traviole, la tête à l’envers, la distance est du levé au couchant, où tourner de la périphérie au centre ». Quelques fois la narration est ponctuée d’imparfaits indicatifs : « il disait », « il pensait », qui recentrent le discours. Ce carcan formel donne au texte une impression de nécessité, d’urgence à dire les mots, les sentiments, il faut que l’homme meurtri parle avant qu’il ne disparaisse littéralement, il y a là quelque chose de vital.
Le style évoque cette contrainte, l’effort qu’il fallut pour accoucher de l’indicible, cette part qui a brûlé qui fut jouissance et qui s’avère néant où l’être s’asphyxie.
La poésie n’est pas exempte de ces pages et la rigueur dont fait preuve Évrard n’en est que plus séduisante : « la masse des nuages, asters tardifs, (…) il rêvait d’un ciel à hauteur de légende, mais le rêveur fondit en larmes ». De même la scansion très rythmée, musicale, alternée par les différents points de vue narratifs, suggère une partition romantique. Il faut donc croire que l’amour inspire encore et que dans la douleur naît l’évocation esthétique.

BrÛlante, une idylle
Laurent Évrard
Éditions Léo Scheer
86 pages, 15

Idylle clinique Par Philippe Castells
Le Matricule des Anges n°45 , juillet 2003.