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Domaine étranger Navajo way

novembre 2003 | Le Matricule des Anges n°48 | par Bertrand Serra

Maître du polar ethnologique, Tony Hillerman est un infatigable passeur de la culture indienne. Une autobiographie éclairante.

Rares furent les déceptions

Précisons-le d’emblée, Tony Hillerman n’est pas amérindien. Une enfance vécue aux côtés de Séminoles et de Pottawamies à Sacred Heart, Oklahoma, sa présence en août 1945 à une cérémonie rituelle navajo, qui lui fournira le meilleur passage de son premier roman, publié en 1970, à 45 ans expliquent en partie son attachement particulier à ce peuple. Il lui a fallu des années pour bien connaître l’univers qui charpente tous ses romans, dont l’intrigue se déroule dans la Réserve navajo, à cheval entre l’Arizona (la plus grande partie), le Nouveau-Mexique et l’Utah.
Dans son autobiographie, entreprise nous précise Hillerman au cours d’une pause dans l’écriture du roman qui paraît simultanément, il égrène au fil de sa mémoire et au gré des associations les rencontres qui ont balisé son existence de romancier, et plus spécifiquement, comme Arthur Upfield (qui a choisi pour sa part la culture aborigène d’Australie), son parcours d’auteur de « polar anthropologique ».
Les codes du genre différent en effet de ceux du polar classique. Là où celui-ci ne cesse de recycler des stéréotypes, celui-là, Tony Hillerman en tête, construit son intrigue policière autour des règles et des pratiques de la culture navajo. Et sans folklore. Malgré sa sincère admiration pour Chandler (c’est dans l’écriture qu’elle se manifeste), ses flics ne pensent pas comme des flics ; ils ont la « navajo way ».
Dans Le Vent qui gémit, Joe Leaphorn, désormais à la retraite, Jim Chee, deux personnages qu’il réunit dès 1986 dans Porteurs-de-Peau, et Bernadette Manuelito, fraîchement arrivée, mènent l’enquête. La jeune officier de police découvre dans une ravine de la Réserve (comme ses collègues, elle en connaît parfaitement la topographie, la flore, les broussailles) un homme mort, dans une voiture abandonnée. Y sont plus tard découverts des articles sur une mine d’or (dite du Veau d’Or…), qui rappelle à Joe Leaphorn une affaire jadis classée, non résolue. Deux trames se superposent alors, pour probablement une seule histoire (d’arnaque ?), deux cadavres à vingt-cinq ans d’intervalle pour un seul « présumé innocent », une disparition.
C’est leur connaissance profonde des rites navajo qui guide les enquêteurs, et leur permet, cette fois encore, de saisir le mobile du crime, sans doute, une nouvelle fois, l’appât du gain, symbole pour l’auteur d’une autre Amérique, blanche et urbaine. Rien de fantaisiste donc, ni de nostalgique ; comme son autobiographie qui nous éclaire sur ses valeurs et sa vision du monde qu’il affine depuis plus de trente ans dans ses romans. L’évocation, affectueuse, des membres de sa famille sa mère notamment, ses sept enfants (tous adoptés, à l’exception de la première) le retour sur ses années de guerre en France, finissent par esquisser le portrait d’un homme animé par une foi et une soif de justice pleines d’humanité, une aptitude au bonheur et à la sérénité, une modestie et une colère sincères, que rien ne semble avoir entamées.
L’évocation de la bibliothèque (nourrie en textes et pamphlets d’extrême-gauche) de son père, plutôt virulent en politique, vient expliquer, en contrepoint, sa défense de la minorité indienne. Dans ses polars, les agents du FBI sont de fieffés imbéciles incapables de comprendre l’univers navajo ; le passage où Jim Chee (encore hésitant quant à la carrière à embrasser, de celle de shaman ou de policier) et un agent du FBI (impatient, avide de réponses) interrogent Hostiin Peshlakai, est à ce titre d’une jubilation intense.
Avant d’être romancier, Hillerman a exercé le métier de journaliste, l’a enseigné. Il eut l’occasion de rencontrer diverses personnalités de la classe politique. D’Eisenhower, à une question « interdite », il obtint un « No comment ! » aigre et furibard ; d’un conseiller de JFK, le qualificatif de « sale con » ; de Lyndon B. Johnson enfin, celui de « pauvre salopard »… Qui dit mieux ?

Tony Hillerman
Rares furent les déceptions
et Le Vent qui gémit
Traduits de l’anglais (États-Unis)
par Danièle et Pierre Blondil
Rivages
360 et 246 pages, 21 et 17,50

Navajo way Par Bertrand Serra
Le Matricule des Anges n°48 , novembre 2003.
LMDA PDF n°48
4,00