Missives (Littérature persane contemporaine)
La revue Missives nous invite à découvrir un numéro spécial, dirigé par Josette Rasle, consacré aux écrivains iraniens contemporains de langue persane. Un projet singulier, puisque cette littérature s’avère quasiment inconnue. Ambitieux car il s’intéresse à tous les genres. Ardu du fait des conditions politiques. L’Iran a connu ces cinquante dernières années, des moments d’une rare violence, une censure permanente et une répression qui continue à faire d’innombrables victimes parmi lesquelles figurent bon nombre d’écrivains. Le parti pris de la revue est de donner la parole à ces derniers dont la plupart vivent exilés. Ce ne sont pas moins d’une cinquantaine d’auteurs, dont les extraits nous sont ici proposés.
La poésie, peut-être plus encore en Perse, dans ses dimensions amoureuses, lyriques, mais aussi philosophiques et mystiques constitue un ferment originel, riche et prégnant. Il est à noter que le mot perse de poète vient de « châér » terme signifiant conscient. Les autres genres littéraires se sont développés, il y a environ cent cinquante ans lorsque ce pays s’est ouvert aux influences étrangères. La littérature iranienne, fortement influencée par les idées des Lumières devient alors un instrument de critique sociale qui dénonce l’obscurantisme et le conservatisme. Djamalzadeh (1870-1977), croyant « à la démocratie littéraire » écrit des nouvelles dans une langue accessible à tous. Sadegh Hedayat, l’auteur de La Chouette aveugle, le roman iranien le plus lu dans le monde, suicidé à 48 ans illustre les conflits identitaires de son peuple, coincé entre les splendides décombres de l’Antique Perse et le despotisme actuel. « Plus tard lorsqu’il devient père, ce n’est pas seulement sa beauté qu’il transmet à son enfant mais aussi cette peur. » Peur et violence occupent une place centrale dans la thématique des auteurs. Mais malgré censure et auto-censure, l’écriture s’avère toujours œuvre de survie, acte de délivrance. L’écrivain iranien écrit dans l’urgence, s’essayant à tous les styles et revisitant les écoles littéraires des trois derniers siècles de l’Occident. Son désir le plus cher est d’intégrer le Moi et le monde, le passé et le présent, accéder à une unité, alors que chaos, délitement, exil, solitude l’oppressent, l’oppriment. Plus de deux mille ouvrages composés à moitié de romans ou de recueils poétiques ont été depuis la Révolution écrits et publiés hors d’Iran. Les femmes, par leur arrivée massive en littérature, ont considérablement enrichi la langue et son approche. Parmi elles, citons Karampour Farzâneh, Moussavi Grânâz « Il faut endurer/ La lueur épuisée du soleil de l’autre côté de la fenêtre. » Chez les hommes : Karampour Farzâneh, Khoï Esmâïl ou le poète avant-gardiste Hoghoughi Mohammad. Un très beau travail, courageux et militant.
Missives 188 p., 12,50 € (Société litt. de la Poste et de France Telecom 142, rue du Fg Saint-Denis 75010 Paris)