Europe N°913 (Littérature de Bretagne)
Vingt-quatre ans après, Europe consacre un nouveau numéro à la littérature de Bretagne, coordonné par François Rannou. Si les revendications culturelles ont laissé place au milieu des années quatre-vingt à une phase d’interrogation sur son identité, ce qui frappe aujourd’hui est le regard critique que cette littérature porte sur elle-même. Elle ne saurait selon Hervé Carn « se réduire à la pratique de la langue bretonne (…), ni à un acte de naissance (…), ni à une revendication idéologique ou nationaliste, pas même à l’adhésion à une forme de géographie sentimentale. » Pour en arriver là, il a fallu faire imploser le monolithe des représentations dans lesquelles on avait si bien cadenassé le pays de la blanche hermine. Débarrassée de sa gangue, la nouvelle littérature bretonne, bien vivante, se confronte tous azimuts à l’univers, voire à l’universel. Une quarantaine de contributions accentuent ce propos. Celles excentrées de l’écossais Kenneth White ou d’André Markowicz, « passeur » d’origine hongroise qui a traduit les plus grands écrivains russes en breton et vice versa, appellent le grand air du large ou celui de la taïga. On lira un dossier sur Yves Elléouët (1932-1975), auteur du Livre des rois de Bretagne qui a su unir tradition savante et culture populaire, également une évocation touchante de Guillevic par Christian Prigent. Quant aux genres littéraires, la poésie intime, la nouvelle pessimiste de type anglo-saxon, l’histoire de vie, la chronique romanesque ainsi que le théâtre autobiographique y ont aujourd’hui le vent en poupe. Paol Keineg, Koulizh Kedez, Gwernig, Naig Rozmor, Fanch Peru sont les nouveaux ambassadeurs de la littérature bretonne.
Europe N° 913 383 pages, 18,50 €