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Poches Biographie d’un barbare

avril 2006 | Le Matricule des Anges n°72 | par Françoise Monfort

Paul Placet fut le témoin de la vie fiévreuse de François Augiéras (1925-1971), écrivain, peintre, voyageur, ethnographe sans diplôme. Un maître de la nuit.

François Augiéras, un barbare en Occident

Heureux choix que ce titre de Barbare en Occident soufflé à Paul Placet par Augiéras lors d’une séance de travail. Mais, qu’est-ce qu’un barbare ? Le Robert n’est pas avare de définitions. Ce terme désigna d’abord l’étranger pour les Grecs et les Romains puis pour les chrétiens. Élevé par les curés au martinet et à la coercition, François Augiéras se méfiait certes du « crucifié dans les ors et la pourpre » mais n’avait rien d’un athée pour autant. Pour preuve, sa réponse à Marguerite Yourcenar lui conseillant de construire davantage son livre où il affirmait « qu’il n’écrit que pour Dieu… que pour s’expliquer avec Dieu ! » Un Dieu tellurique auquel il s’adressait lors de nuits passées à danser autour d’un feu.
D’après le Petit Robert encore, barbare s’applique aussi à ce qui n’est pas civilisé, contraire aux règles et possède une force puissante et non policée. Pour Placet Augiéras incarnait tout cela à la fois. « Ame riche qui aime également la lumière et la nuit », « univers clos, rempli par une sauvagerie de lumière », homme écartelé entre la recherche d’absolu et une libido impérieuse, à l’identité troublée par des origines antagonistes. Se nourrissant de viande saignante couverte de poivre, il aimait se croire « issu des steppes de l’Asie » et hanté par un guerrier hun sous prétexte que son grand-père maternel était polonais. Mais descendait aussi d’une famille de hobereaux périgourdins par son père disparu quelques mois avant sa naissance.
En mal de figure paternelle, François part à 20 ans retrouver son oncle Marcel en Algérie. Il cède aux avances du vieil homme, à cet officier de la Coloniale qui poussait le devoir de civilisation jusqu’à initier les jeunes garçons arabes dans son lit. Cet épisode humiliant va servir de support à la rédaction de son premier livre. Le Vieillard et l’enfant est publié sous le pseudonyme d’Abdallah Chaamba, en 49 à compte d’auteur puis en 54 aux Éditions de Minuit. Qui est Abdallah Chaamba ? Jamais en panne d’explications Le Figaro parle d’un « asocial anonyme ». Henry Miller et Gide lui écrivent, Camus et Michaux s’interrogent. Cendrars le reçoit. Puis Augiéras reprend le bateau pour l’Afrique. Malgré les exhortations de Placet, il cultivera toujours un mépris sans borne pour les officiels autoproclamés de la littérature rive gauche, ces « faibles qui n’ont d’autres opinions que celles de leur femme » ces « gens qui avouent que l’œuvre est belle, mais ne veulent pas qu’elle vive. » Il se sait né trop tôt. Ou trop tard. Peu importe. La suite lui donne raison.
Confrontée aux prémices de sa débâcle coloniale, la France rejette le dénommé Abdallah et, quitte à s’offusquer, choisit Bonjour tristesse. Chaque époque a le brûlot qu’elle mérite. Le même phénomène se reproduit en 68 lorsque Christian Bourgois publie un premier titre signé François Augiéras. De toute façon prématurée, la sortie d’Une adolescence au temps du Maréchal passe à la trappe pour cause d’événements.
Dans l’intervalle, Augiéras se marie malgré son aversion pour les femmes dont « la philosophie «  » ne va pas au-delà de ce qu’elles peuvent lire dans les pages en couleur de Marie-Claire ». Nomade incurable, il se partage entre « L’Afrique pour les garçons et les filles » et le Périgord « ce pays de forêts et de rivières pour l’imaginaire et le cœur ». C’est là, dans ce décor païen qui a vu naître l’Homme, qu’il surgit régulièrement et sans crier gare dans la vie de son ami. Le fidèle Placet assiste à la descente aux enfers de François qui échoue d’hospice en hospice. Puis, épuisé par la maladie et la quête effrénée d’ailleurs impossibles, le corps rend grâce à 47 ans, un de ses nombreux points communs avec Kerouac disparu deux ans plus tôt.
« Mes émotions en ce temps-là, je les ressentais à travers la sensibilité de mon ami » avoue Placet. Entre biographie et déclaration, Un barbare en Occident devient rapidement un livre à deux voix dont on ne sait parfois plus distinguer l’une de l’autre tant ces deux âmes ont été liées à la manière du duo Montaigne-La Boétie.

* Paraît également François Augiéras : le dernier plumitif de Serge Sanchez (Grasset, 455 p., 20,90 )

François
Augiéras,
un barbare
en Occident

Paul Placet
La Différence,
« Minos »
473 pages, 15

Biographie d’un barbare Par Françoise Monfort
Le Matricule des Anges n°72 , avril 2006.