Respectant les dernières volontés d’un ami défunt, le narrateur de cet étrange livre part en Mongolie afin d’écrire un guide, tout content d’avoir l’occasion de quitter « l’endroit merdique » où il vit (autrement dit la Serbie). À peine arrivé à Oulan-Bator, il constate « qu’il s’agit aussi d’un endroit merdique, bien que lointain »… Le ton est au cynisme, et le roman se construit de divagations en délires, multipliant les apparitions de personnages farfelus qui surgissent comme des diables de leur boîte (un évêque hollandais dans le rêve duquel le narrateur est peut-être prisonnier, un psychanalyste italien qui va le faire revenir à la conscience, ou encore, assise dans un des fauteuils en cuir de l’hôtel, Charlotte Rampling buvant son cappuccino !). Chaque rencontre est prétexte à des élucubrations philosophico-politiques où Svatislav Basara (qui en plus d’être écrivain est aussi diplomate) dénonce les systèmes, avance ses théories sur les trois espèces de temps intérieur ou révèle ses manigances d’écrivain pour tromper les services de Sûreté de son pays il suffit de parler d’une chose en faisant croire qu’on parle d’une autre. « Dieu a une très mauvaise opinion de tes livres. Et des livres en général. Tu dois devenir un réaliste. Tu dois écrire comme Zola… » conclut le psychanalyste de l’hôtel Gengis Khan.
La liberté de ton et d’esprit est la marque de fabrique de Basara, « brillant contempteur de l’unité de temps, de lieu et d’action ; réputé pour son habitude de parler de choses, de phénomènes et d’idées dont il ignore tout » : c’est ainsi qu’il se définit lui-même en page 88 du livre.
Guide de Mongolie de Svetislav Basara
Traduit du serbe par Gojko Lukic et Gabriel Iaculli, Les Allusifs, 136 pages, 13 €
Domaine étranger Candide en Mongolie
février 2007 | Le Matricule des Anges n°80
| par
Lise Beninca
Un livre
Candide en Mongolie
Par
Lise Beninca
Le Matricule des Anges n°80
, février 2007.