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Domaine français Identification d’un écrivain

février 2008 | Le Matricule des Anges n°90 | par Thierry Guichard

En menant des enquêtes parallèles autour de la vie d’un écrivain mystérieux et cosmopolite, Éric Faye bâtit un roman complexe et bougrement excitant. Une ode aussi à la vie sans papiers….

L' Homme sans empreintes

Auteur prolixe - une vingtaine de titres en douze ans - Éric Faye propose aujourd’hui son roman le plus abouti, le plus réussi. Pour péremptoire que cette affirmation paraisse, on ne saurait trop conseiller aux lecteurs d’en juger par eux-mêmes. Ils découvriront d’abord une narration qui ouvre les frontières de la littérature hexagonale telle qu’elle est trop souvent considérée. On voyage ici dans la tempête d’un ouragan d’Amérique centrale, en Allemagne de l’Est et dans ce mélange réussi entre fiction et Histoire. Surtout, le roman explore, sans aucune pesanteur, toute une réflexion sur l’identité et sur le leurre qui consiste à ne considérer l’œuvre d’un écrivain qu’à l’aune de sa biographie. Empruntant l’essentiel de son registre à l’enquête, autant littéraire que policière, L’Homme sans empreinte pousse le lecteur à ne jamais reposer le livre. Enfin, Éric Faye semble avoir un peu lâché la bride à une phrase plus mélodieuse, plus inventive (y compris dans les métaphores) que dans ses précédents romans. C’est dire que le bonheur de lecture, l’enchantement se mêlent à la fois au plaisir de pénétrer dans un univers et à celui de suivre une pensée.
Cinq ans après sa mort dans un pays qu’on appelle le Costaguana et qui ressemble au Mexique, une vieille universitaire, Rebecca Donegal rend visite à la veuve de Stig Warren. Mais cette septuagénaire, en réalité, n’est pas une universitaire. « Mathématicienne, venue à l’archéologie », elle a rencontré Stig Warren et fut sa maîtresse dans les dernières années de sa vie dans une ville du pays où elle était redescendue après avoir consacré sa vie à étudier les pierres d’Imaltapec, vestiges mystérieux d’une ancienne civilisation d’Indiens. Si la nature de l’archéologue est d’interroger l’origine, alors il était dans l’ordre des choses qu’elle s’éprenne de Stig Warren. Car cet homme se dit l’agent littéraire du fameux B. Osborn, écrivain réputé pour ses romans qui mettent en scène les Indiens du Costaguana autant que pour l’incognito qu’il impose au monde. Osborn est le précurseur d’un Salinger ou d’un Pynchon. Or, de fait, Stig Warren, plutôt que l’agent d’Osborn, semble être l’écrivain lui-même.
Cinq ans après sa disparition donc, la maîtresse rencontre la veuve sous le prétexte d’étudier l’œuvre d’Osborn. Justement, pour l’anniversaire de sa disparition, cette dernière a prévu une visite sur la tombe de son époux, au bout de plusieurs heures de voiture. Les deux femmes décident de se rendre ensemble à ce pèlerinage, malgré les mises en garde du chauffeur de la voiture effrayé par l’ouragan qu’on annonce. Les deux vieilles dames partent donc vers la jungle que le vent soulève. Rebecca emporte avec elle l’ouvrage d’Aguila Mendes, un ancien journaliste qui avait mené son enquête sur Osborn en 1961, provoquant la fuite paranoïaque de l’écrivain. Ainsi nous remontons les pistes saccagées (celles de la route que le chauffeur tente de suivre sous la bourrasque comme celles des recherches menées autour d’Osborn). Nous suivons un moment l’enquête d’Aguila Mendes comme si l’on lisait un roman policier. Tout commence avec le projet d’Hitchcock de tourner un film à partir d’un roman d’Osborn. Ce dernier exige que le rôle principal soit joué par Kim Novak et que son agent, Stig Warren, assiste au tournage. Le doute sur la réelle identité de Stig Warren s’impose alors, et Aguila Mendes qui assiste au naufrage du film (Kim Novak faisant faux-bond), se lance sur la piste qu’il croit tenir. Il rêve à la célébrité qu’il atteindrait s’il était le premier à révéler l’identité de B. Osborn.
Un autre homme tâche de démêler les identités multiples de l’écrivain. C’est un universitaire allemand qui va rejoindre les deux vieilles femmes au bout de leur périple. L’ouragan est passé, violent, saccageur, et son action n’aura pas été sans conséquence sur le destin même d’Osborn. Cette dernière partie du roman rattache au continent américain l’histoire de l’Europe, depuis les années anarchistes du début du XXe siècle auxquelles a été mêlé Osborn jusqu’à la chute du Mur qui va révéler de nouvelles voies de recherches autour de l’écrivain mystérieux. Tous les protagonistes ici sont comme des phalènes qui tournent autour d’une lumière éteinte. Chaque révélation semble résoudre une énigme et ne fait en réalité que l’approfondir. Osborn est un écrivain traqué, en fuite d’un passé qu’on ignore, porteur d’un désir de liberté auquel les autres ne semblent rien entendre. Une liberté qui passe par la disparition de sa propre identité. « Un écrivain, dit-il, est un être immatériel, une pensée qui se déroule (…). L’écrivain relève de la physique quantique, comme les électrons. »
Au terme du voyage qu’il nous propose, Éric Faye avoue avoir pris « appui » sur la vie de l’écrivain B. Traven cité en exergue : « D’abord il y a les esclaves, puis apparaît un dictateur. » Le roman achevé, on aimerait prolonger cette réflexion selon laquelle le monde érige la gloire sur l’idée même d’identité pour annihiler toute liberté. Les esclaves cherchent à être un jour dans la lumière quitte à perdre le sens même de la vie.

L’Homme sans
empreinte

Éric Faye
Stock
263 pages, 19

Identification d’un écrivain Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°90 , février 2008.
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