Comment le visage d’une célébrité passe-t-il de l’arrogance versatile au calme pensif et navré ? Qu’advient-il d’une image qui se met à penser, et, pire, à se penser ? Qu’arrive-t-il aux indociles, aux impertinents, dans ce monde « plein de mâchoires [riantes] » ? Une star, une étoile donc, ne brille-t-elle jamais qu’à la condition d’être déjà morte ? Autant d’interrogations cataclysmiques que Mathieu Larnaudie s’applique à poser dans Notre désir est sans remède, ce livre à l’écriture fluide et brillante, pareille à une mer d’or dont on se rendrait compte, en s’y baignant, qu’elle regorge également d’acide. Car il n’est rien de dire que cette biographie fictive de Frances Farmer, actrice hollywoodienne des années 1930, starlette « aux pommettes hautes et au menton dédaigneux », qui a dès le lycée « rejeté Dieu » dans un pamphlet, et s’abreuve à l’âge mûr de « bourbon old-fashioned », que cette biographie qui possède initialement tout de la « success-story », donc, est éprouvante. Du massacre des corps par la lumière des tournages (« la lumière n’exauce pas les corps, elle les massacre ») à la maltraitance des esprits par la cruauté des plateaux télévisés (ceux dont « les pays entiers ont pris l’habitude de rire à heure fixe, en chœur, avec eux ») en passant par la fourberie des services psychiatriques dans les années 1950, ces usines à « confectionner des âmes », rien ne nous sera épargné de la violence régissant les vies, de la lumière à l’ombre, de ces images professionnelles que sont les actrices reconnues. C’est que la gloire, peut-être, est sans remède.
Blandine Rinkel
NOTRE DESIR EST SANS REMEDE
DE MATHIEU LARNAUDIE
Actes Sud, 228 pages, 19,30 e
Domaine français Notre désir est sans remède
septembre 2015 | Le Matricule des Anges n°166
| par
Blandine Rinkel
Un livre
Par
Blandine Rinkel
Le Matricule des Anges n°166
, septembre 2015.