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Domaine étranger L’empire du sens

avril 2016 | Le Matricule des Anges n°172 | par Thierry Guinhut

De la science de l’orgasme à la science-fiction capitaliste : une satire, version X, de Chuck Palahniuk.

Le réalisme crade est la spécialité de Chuck Palahniuk. On devine dès la couverture que ce romancier américain, né en 1962, ne fait pas dans la délicatesse. Il suffit d’appuyer sur le rose interrupteur, évidemment métaphorique, pour obtenir l’orgasme des personnages. Et ce n’est pas par ses postures dignes du Kama Sutra qu’il provoquera celui du lecteur.
« Violée devant un tribunal fédéral », Penny vient de larguer Linus Maxwell. Pourtant la modeste apprentie avocate et féministe d’occasion avait conquis « l’homme le plus riche du monde ». En cette variation moderne sur le prince charmant et sa princesse, et après un intermède où le chevalier reste respectueux, les choses se corsent : « D’abord il vous rend célèbre », ensuite « il vous isole ». Et si l’on a l’inconséquence de passer à l’acte on découvre qu’ « Orgasmus Maxwell », spécialiste de la sexualité, obsédé de l’intensité du plaisir féminin, est un froid scientifique. Il s’ingénie à méticuleusement tester sur Penny les accessoires et autres aphrodisiaques sophistiqués, carnets d’expériences en main, de sa future gamme « Beautiful You », dont elle est le cœur de cible : « Je t’aime parce que tu es incroyablement ordinaire ». En effet, une fois les produits mis au point, une fois l’infinie jouissance conquise par les femmes, « un milliard de maris seront remplacés » par cet « ersatz d’amour ».
Mais, au-delà de sa propension pour un réalisme outrageux, à la recherche des pires pulsions de l’humanité, Chuck Palahniuk s’aventure avec un burlesque brio dans les marges de la science-fiction, mais aussi du merveilleux. Il faut alors accepter que le quota de bonheur de Penny auprès de son mentor soit compté : « cent trente-six jours », comme pour celles qui l’ont précédée, Alouette d’Ambrosia, actrice à succès, Clarissa Hind, devenue Présidente des États-Unis. Car Maxwell les contrôle toutes, clientes innombrables comprises, les inondant à distance d’orgasmes insoutenables, les assujettissant à tous les vêtements et objets divers que l’excitation érotique leur ordonne d’acheter. L’empire commercial devient alors totalitaire, alors que prises d’une folle addiction à leur onanisme toutes les femmes dépérissent. En cette anti-utopie de la jouissance forcenée, le monde est menacé d’apocalypse, les hommes pleurent ou tentent de sauver leurs compagnes. Car le tyran du sexe féminin est allé jusqu’à insérer aux veines de ses cobayes des « nanorobots », par le moyen de « libellules » qu’avalent vagins affamés, jusqu’à confondre délice et douleur, extase et mort…
Seule « Baba Barbe-Grise », qui vit dans une grotte « tout en haut de l’Everest », sorcière qui initia Maxwell aux os et onguents magiques, aux techniques tantriques, pourra peut-être permettre à Penny de sauver l’humanité de ce détournement manifeste de l’éthique du plaisir.
Romancier rose et noir, entre « pantoufle de vair » des contes et médias surexcités auprès de « la Cendrillon du Geek », conteur palpitant, grinçant et cru, Chuck Palahniuk mène son intrigue à la baguette, avec une retorse jouissance. Comme dans tous ses romans, dont le contagieux Peste, ou le bouquet de récits aux épines vénéneuses qu’est À l’estomac, le lecteur hésite entre adhésion amusée et répulsion, entre éclat de rire et dégoût, avant d’admettre qu’un tel imaginaire outrepasse avec feu et cendres les possibilités humaines et technologiques. Sa tyrannie sexuelle est évidemment une satire d’un capitalisme planétaire et outrancier, en même temps qu’une charge contre la mégalomanie et cette pulsion de pouvoir qui pousse à vouloir contrôler autrui jusqu’aux dernières extrémités. Si la fable peut nous laisser incrédule, et peut être écartée pour monstrueuse faute de goût, elle n’en reste pas moins, outre son ironie cinglante, d’une sagacité psychologique et politique remarquable.
Thierry Guinhut

Orgasme de Chuck Palahniuk
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Clément Baude, Sonatine, 359 pages, 18

L’empire du sens Par Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°172 , avril 2016.
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