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Domaine français Jeux de miroirs

janvier 2017 | Le Matricule des Anges n°179 | par Eric Bonnargent

Attaché à écrire la biographie d’un anthropologue russe oublié, Claro rejette les règles de l’exercice, glisse vers l’autofiction pour mieux en détraquer les mécanismes.

Hors du charnier natal

Mort d’épuisement en 1888, à l’âge de 42 ans, Nikolaï Mikloukho-Maklaï a été le premier Européen à vivre en immersion avec les Papous de Nouvelle-Guinée. De la vie de celui qui s’est lui-même surnommé le « papou blanc », on ne sait pas grand-chose et c’est pour « l’empêcher de figer dans la sauce du mythe » que le narrateur de Hors du charnier natal décide d’en écrire la biographie. En lisant ce livre dont le titre est emprunté au premier vers des « Conquérants » de José-Maria de Heredia, le lecteur n’apprendra pourtant pas grand-chose car, comme l’annonce d’emblée ce mystérieux narrateur, « toute vie racontée n’est qu’un violent processus de défiguration ». Après tout, rajoute-t-il, « les vies ne se racontent pas, au mieux on les recommence, tête la première, cul en comète, on les déforme comme des vêtements en oubliant qu’elles et qu’ils furent, aussi, armures. »
Pour éviter toute trahison, le narrateur se contente des données factuelles, du squelette biographique et se refuse à combler les lacunes de sa documentation, à faire revivre son personnage, à piéger son lecteur, à le séduire : « Ici, je sens bien qu’un paragraphe médico-légal manque au tableau. Il aurait été bon de décrire Nikolaï penché sur un corps entrouvert, tâtant du bout des doigts une rate obtuse ou quelque tumeur lascive. Cela aurait été l’occasion d’une description à la fois morbide et pittoresque, laquelle, étayée par de sérieuses recherches, aurait pu donner lieu à un chapitre entier, où, avec un peu d’art et de zèle, j’aurais pu doubler la chose d’une subtile métaphore sur les secrets de l’homme lui-même, et retourner habilement le processus d’autopsie au profit de mon sujet, en achevant ce qui au départ ressemblait à une simple peinture de morgue par une espèce d’introspection enlevée de Nikolaï. »
Si les règles de l’exercice biographique sont si méthodiquement bafouées, c’est parce que le narrateur n’a en réalité rien « à faire de Nikolaï Machinchose  », celui-ci n’étant finalement qu’un prétexte à l’introspection. En étudiant la vie de ce misanthrope solitaire, le narrateur est renvoyé à sa propre part d’ombre et parle de plus en plus de lui, de ses difficultés, de sa famille, de son enfance et des drames qui l’ont parcourue, notamment celui qui l’a conduit, tout jeune encore, « la bouche pleine de viande mentale », à un internement psychiatrique.
Mais là encore, le texte est parsemé d’indices nous faisant douter de tout ce que raconte ce narrateur. Qui est-il et pourquoi finit-il par utiliser la première personne pour parler de Nikolaï alors qu’il avait commencé son récit à la troisième personne ? Hors du charnier natal s’ouvre sur une méditation d’une inquiétante étrangeté à propos de l’autre que nous sommeille en nous, un « inconnu au teint cireux », « susceptible, ombrageux, à l’affût » dont « on voit luire ses dents de charbon et ses yeux de cannibale ». Qui est l’autre de qui dans ces pages ? Qui est cet « autre-que-l’on pourrait-être », mais « que-nous-avons-préféré-ne-pas-être » ? Si Nikolaï est sans aucun doute l’autre du narrateur, ce dernier n’est-il pas à son tour le double obscur de Claro lui-même ?
Quoi qu’il en soit, Hors du charnier natal prouve une nouvelle fois à quel point Claro est un virtuose. Et même si, comme tous les virtuoses, il en fait parfois un peu trop, on ne peut qu’être séduit par cette langue étonnement rythmée et cet art de l’épithète inattendu ou de la métaphore décalée. Éric Bonnargent

Hors du charnier natal, de Claro
Inculte, 138 pages, 15,90

Jeux de miroirs Par Eric Bonnargent
Le Matricule des Anges n°179 , janvier 2017.
LMDA papier n°179
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