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Domaine français Sauver la rose

janvier 2018 | Le Matricule des Anges n°189 | par Thierry Guichard

Contre l’oppression, l’art est une arme, nous dit Raphaël Jerusalmy dans son nouvel opus. Et le romanesque, une belle façon de le faire entendre.

On peut se demander de quel désir de littérature est née l’œuvre – en cours – de Raphaël Jerusalmy. Quel besoin de fiction pousse l’ancien officier de renseignement d’Israël à proposer à ses lecteurs des opus diablement romanesques ? La Rose de Saragosse, qui paraît pour cette rentrée hivernale, ne déparerait pas un rayon de littérature populaire : nous sommes en Aragon en 1485, la violence de l’Inquisition offre le spectacle d’autodafés sanglants et va provoquer la rencontre de la belle Léa (peau d’albâtre et noir regard) et de la bête Angel de la Cruz et de son hideux chien Cerbero. Elle est d’une famille de « conversos », riches juifs convertis au catholicisme par nécessité et cible désignée de Torquemada, le « maître d’un empire sordide régi par des greffiers et des clercs », le Grand Inquisiteur dépêché en Aragon après le meurtre du père Pedro de Arbuès. Angel est un « familier », une sorte de mercenaire au service de l’Inquisiteur. Tout l’oppose à Léa et une chose les réunit : l’amour qu’ils ont, elle et lui, pour l’art, pour la peinture et plus encore pour la gravure, « l’art des rebelles ».
Angel passe pour un rustre : crotté de boue, il ajoute aux balafres que son visage expose, ses mauvaises manières. Homme des rues fangeuses, violent comme le siècle qui l’a vu naître, il se passe sans problème de toute morale ou éthique. Mais il est aussi un dessinateur de grand talent et un esthète dès qu’il s’agit de peinture ou de gravure. Il enquête sur l’identité de l’artiste qui placarde dans toute la ville des dessins d’une qualité d’autant plus exceptionnelle qu’elle met en cause l’autorité du Grand Inquisiteur. Et qui portent comme signature la gravure délicate d’une rose. Angel, venu des enfers, ne déteste rien tant que les rupins parfumés à la citronnelle, habillés comme des princes, hautains comme des papes. Mais pour une bourse bien remplie, il peut se mettre à leur service. C’est ce qui l’amène chez Ménassé de Montesa, grand collectionneur de livres rares et de gravures originales. Un trésor auquel l’inquisition mettrait bien le feu. Mais, il ne s’agit pas pour le riche commerçant de protéger ses possessions : l’heure est trop grave et c’est la vie des siens qui est en jeu. Chez les Montesa (qui ont réellement existé), Angel ne rencontre pas seulement Léa. Ménassé a invité aussi son ami Abraham Cuheno et ses enfants, Raquel et le boiteux Yéhuda, promis depuis l’enfance à Léa. Yéhuda qui aime boire et jouer à la baraja dans les estaminets voit en Angel autant un concurrent qu’un alter ego infernal.
On le voit : Raphaël Jerusalmy renoue avec le romanesque traditionnel, celui qui est tombé dans les tranchées de Verdun et dont les ailes ont été brûlées au cabaret Voltaire par les avant-gardes naissantes. S’il le fait en usant de procédés cinématographiques (l’usage du présent de l’indicatif, le découpage en scènes), c’est toutefois sans la naïveté ou l’innocence que les camps de la mort, les charniers nazis, n’autorisent plus. Diablement rythmé, offrant à l’Histoire une trame narrative empruntée au roman policier, le récit s’ouvre aussi sur une réflexion mêlant l’art et la religion. La représentation du réel et la puissance des images. Ce sont les plus belles pages car elles ouvrent la fiction sur un horizon qui la dépasse. Et si les trois religions du livre sont ici rassemblées (les chrétiens, chassant les juifs, ces derniers trouveront refuge chez Bajazet II – nommé ici « Bayezid le Juste  » – huitième sultan ottoman), c’est bien l’art auquel l’écrivain confie la puissance suprême : « Angel n’escompte point de son art qu’il représente le réel. Mais qu’il l’en délivre. » Ce qu’il fera en définitive, mais on ne vous dira pas comment.
T. G.

La Rose de Saragosse,
de Raphaël Jerusalmy
Actes Sud, 189 pages, 16,50

Sauver la rose Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°189 , janvier 2018.
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