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Domaine français Sur la piste des bonobos

avril 2018 | Le Matricule des Anges n°192 | par Catherine Simon

Le carnet de route de Guillaume Jan, vif et émouvant, traverse l’histoire du Congo.

Samouraïs dans la brousse

Cela ressemble à un jeu, à une mise en abîme enfantine : un beau jour de 2016, un routard français, alias le narrateur, met ses pieds dans ceux d’un primatologue japonais, lequel a essayé, dans les années 1970, de mettre les siens dans ceux des bonobos – ces grands singes aux yeux noirs, proches du chimpanzé et de l’homo sapiens, qui peuplent encore, de plus en plus difficilement, les forêts de la République démocratique du Congo (RDC). « Monsieur Guillaume », comme l’appellent les villageois congolais, va refaire le voyage exploratoire du chercheur japonais. Il imagine les premières journées de novembre 1973, quand Kano, baroudeur ascétique, pédale sur son vélo – car c’est à vélo que le scientifique d’Osaka traverse le Zaïre du maréchal Mobutu ! – escorté par des nuées de papillons multicolores, tandis que « devant lui, la piste tire un trait malhabile » sur l’océan de verdure. Sans être amical, l’accueil des populations locales est plutôt bon enfant. Se rend-il compte de sa chance ? Personne ne lui demande son permis de séjour ni même ce qu’il fait là ! Les chasseurs du coin l’initient à la vie en forêt. Au bout du long périple : les bonobos et le petit bourg de Wamba, où le Japonais installera sa base d’observation.
De Takayoshi Kano, auteur d’un ouvrage de référence, The last Ape, on sait peu de choses, la célébrité étant restée attachée, une fois n’est pas coutume, à deux femmes : l’Anglaise Jane Goodall avec ses chimpanzés du lac Tanganyika et l’Américaine Dian Fossey avec ses gorilles des monts Virunga. Samouraïs dans la brousse est une manière d’hommage rendu au chercheur japonais, dont le « nom n’a pas brillé autant qu’il aurait dû ». Si ce n’était que ça, à vrai dire, on ne s’attarderait pas. Mais le récit, joliment construit, entraîne le lecteur dans l’histoire du Zaïre, dépecé/façonné par les Européens, et pose implicitement, via les bonobos, leurs (gentils) observateurs et leurs (méchants) braconniers, la question de l’origine : d’où viennent les humains et leur manière de vivre ? Et d’où vient la malédiction qui pèse sur la RDC, condamnant ce pays à subir, d’un siècle colonial à l’autre, les avanies des dictatures, de la misère et de la guerre ?
Jamais pesant, souvent drôle, usant de courts flash-back, le carnet de route de Guillaume Jan traverse la brousse d’une plume allègre. En dehors des malins bonobos, en voie d’extinction, les seuls animaux que l’on croise sont les insectes, moustiques et araignées, sans oublier les dizaines de petites souris qui grouillent sous le toit des cabanes, arrosant le dormeur d’espiègles excréments. Quant aux humains, il faut les voir ! La RDC de Joseph Kabila ne vaut guère mieux que le Zaïre du roi Léopold. Dans le centre de santé de Wamba, abandonné par l’État, il n’y a « pas de tensiomètre, pas de microscope, pas de lits d’hospitalisation », explique le patron des lieux, l’infirmier Léonce Tokind’In, qui gère l’établissement avec les moyens du bord. Le centre de santé, à l’image du village, « survit avec moins que rien ». Quand le narrateur demande à l’ancien pisteur de Kano, le vieux chasseur Nkoy Batolombo, quel est le meilleur souvenir qu’il garde du Japonais, « l’ex-seigneur de la jungle », âgé de 68 ans, le corps « toujours robuste », répond : « C’est le jour où il m’a acheté des tôles pour couvrir ma maison ». Un autre villageois résume les choses à sa manière : « Les Japonais n’ont pas amené de souffrances à Wamba. Mais ils n’ont pas amené d’améliorations non plus ».
Le récit s’achève à Toyonaka, au Japon, où Guillaume Jan rencontre son héros vieillissant. La dernière image du livre, comme la première, est celle d’un sage. Escorté par le silence des rêves, le battement d’ailes d’un papillon. Et le souvenir, magique, des bonobos.

Catherine Simon

Samouraïs dans la brousse,
de Guillaume Jan
Paulsen, 216 pages, 21,50

Sur la piste des bonobos Par Catherine Simon
Le Matricule des Anges n°192 , avril 2018.
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