La rédaction Catherine Simon
Articles
Karen Blixen, en blanc sans noir
La vie africaine au Kenya – un flambloyant échec – de l’écrivaine danoise (1885-1962), racontée par son biographe.
Karen Blixen, célèbre grâce à son livre La Ferme africaine, paru en 1937, est devenue, cinq décennies plus tard, carrément iconique grâce à Sydney Pollack et à Meryl Streep, personnage central d’Out of Africa, film sorti sur les écrans en 1985. Une icône ambiguë, mais une icône quand même. L’habile et plantureuse biographie que lui consacre son compatriote, Tom Buk-Swienty, vient compléter un tableau, plutôt glamour, du Kenya colonial et de son héroïne danoise.
Ce gros pavé se lit (presque) d’un trait, tant le récit, sagement chronologique et truffé d’une avalanche de photos noir et...
Au bazar de la mémoire coloniale
Dans une langue vertigineuse de justesse et de cruauté, António Lobo Antunes ressuscite les fantômes d’Angola, mémoires cassées du Portugal.
C’est toujours le même foutu bazar, quand on entre dans un livre de Lobo Antunes, le même roulis d’histoires en miettes qui saisit et bouscule : on s’accroche à la poignée comme dans le métro, on s’accroche par réflexe et ça y est, c’est fichu, on ne bouge plus jusqu’à ce que le chapitre s’achève. À ce moment-là, on pourrait sauter, s’enfuir, ne pas écouter le chant des sirènes. Sûrement cela...
La création comme un ruban
Dans un ultime geste littéraire, Catherine Shan (1952-2018) tisse sous nos yeux une fabuleuse cosmogonie.
Ce livre n’est pas un roman, c’est un ruban : l’écriture de Catherine Shan, née Catherine N’Diaye, emprunte à cette parure souple, fine, littéralement attachante, sa fluidité et son génie. Ce texte peu ordinaire, cet « essai libre » sur la littérature, l’art, la création, est le dernier laissé par l’auteure. Catherine Shan n’en avait pas totalement bouclé les finitions, quand la mort est...
L’Homme qui vivait sous terre
Écrit dans les années 1940, L’Homme qui vivait sous terre paraît aujourd’hui dans sa version originelle. Considéré alors comme l’un des premiers grands romanciers noirs américains, Richard Wright (1908-1960) y fait le portrait d’une Amérique raciste, où la violence policière est courante. La dénonciation est particulièrement forte dans la première partie du livre : on y voit Fred Daniels, un...
Noires mémoires du Portugal
Délicate comme une saudade, la prose de Djaimilia Pereira de Almeida dit en Trois Histoires d’oubli le passé incontournable et la tremblante humanité.
Le premier est un ancien pirate, marchand d’esclaves et assassin à la retraite, devenu un as du jardinage ; il vit seul, en bord de mer, et fait peur aux gens du village ; il est l’ami des fleurs, des œillets en particulier, qu’il cultive à la perfection. C’est le capitaine Celestino. Le deuxième est un demi-clochard du quartier du Chiado à Lisbonne ; il survit en aidant les automobilistes à...