Tout commence par l’e-mail d’une astrologue, qui informe la narratrice que, compte tenu des « mouvements des planètes », lesquels créent « un spectre infini de répercussions sur la destinée humaine », son existence s’apprête à connaître un bouleversement. Celle-ci vient de s’installer à Londres avec ses deux fils ; elle écrit, donne des cours d’écriture créative et régente les travaux de rénovation de sa nouvelle maison. Son quotidien est rempli de petites anecdotes, introduites par les personnages qu’elle croise (amis, ouvriers, ex), écoute et observe attentivement. Un séisme intime apparaît donc difficile à croire.
Sceptique mais pleine d’espoir, elle poursuit son chemin. La voilà qui renoue par hasard avec son ancien amant Gerard. Plus tard, elle sympathise avec son coiffeur. Enfin, elle est reçue dans un festival littéraire isolé, harcelée par ses voisins, flouée par l’entrepreneur qui dirige son chantier. « Nous ne serons jamais que le produit de la manière dont les autres nous ont traités », en conclut-elle, lucide, mais jamais désespérée.
L’humour est un trait caractéristique de l’écriture de Rachel Cusk, qui parvient à nous faire sourire aux déboires banals d’une quadra cherchant l’amour, le succès et la reconnaissance. Procédant selon de courtes nouvelles, son roman place l’héroïne en position d’éternelle spectatrice, examinant sa vie et les autres autour. Ce qu’elle aperçoit, souvent, ce sont des couples qui ne se portent pas si bien que cela. Trop calmes (« envisager la stabilité comme le produit du risque offrait une réflexion intéressante »). Trop cruels (« la perte était le seuil de la liberté »). Leurs discours rapportés signalent des sacrifices et des malaises, thèmes de prédilection de Cusk, notamment depuis son essai Contrecoup : sur le mariage et la séparation. Mais ce qui sourd avant tout de ces histoires imparfaites, c’est la solitude : « quand rien ne reste, rien ne croît autour de vous, quand vous commencez à vous dire que votre simple présence fait mourir les choses ».
Camille Cloarec
Transit de Rachel Cusk
Traduit de l’anglais par Cyrielle
Ayakatsikas, L’Olivier, 240 pages, 22 €
Domaine étranger Transit de Rachel Cusk
mai 2018 | Le Matricule des Anges n°193
| par
Camille Cloarec
Un livre
Transit de Rachel Cusk
Par
Camille Cloarec
Le Matricule des Anges n°193
, mai 2018.