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Domaine étranger L’empreinte de Brooklyn

octobre 2018 | Le Matricule des Anges n°197 | par Lionel Destremau

Avec Le Témoin solitaire, William Boyle poursuit la construction de son espace romanesque.

Le Témoin solitaire

Après un premier roman noir remarqué (Gravesend, 2016), William Boyle a fait paraître un deuxième livre (Tout est brisé, 2017) dans un registre un peu différent, une tranche de vie familiale autour d’une femme, Erica, de son vieux père malade et du retour de son fils. Avec Le Témoin solitaire, Boyle renoue avec une veine plus noire en mettant en scène Amy, une fille du Queens qui se retrouve coincée à Brooklyn après que sa copine l’a quittée et qui tente de redonner un sens à sa vie. Amy traîne quelques casseroles derrière elle, d’une part une existence dissolue, entre les bars et la faune de la nuit, et d’autre part ce qu’elle a vécu adolescente, quand elle a été témoin d’un meurtre qu’elle n’a jamais signalé à la police. L’assassin est mort quelque temps plus tard et le crime est resté impuni. Peut-être cherche-t-elle alors une forme de rédemption dans une sorte d’ascèse, un espace de vie réduit à son strict minimum : un appartement sans mobilier ou presque, un quartier dont elle ne sort pas, une routine sage constituée de ses activités auprès de la paroisse, ses visites aux personnes âgées isolées vivant repliées chez elles ? Cette tentative de reconstruction va se heurter au retour de ses démons : un jeune qui inquiète une vieille dame éveille sa curiosité, au point de le suivre à travers les rues, et de revivre un pan de son passé en assistant tétanisée à son meurtre dans une ruelle déserte. À nouveau seul témoin du crime, elle se tait, cherche à comprendre, à remonter le fil de l’histoire de la victime, sans se rendre compte qu’elle a déclenché une bombe à retardement, que l’assassin sait peut-être qui elle est, ce qu’elle a vu, et qu’il cherchera à la faire taire tôt ou tard… Et c’est compter sans la réapparition soudaine de son amour enfui, la belle Alessandra partie vivre à Los Angeles et qui ressurgit à l’improviste pour réveiller en elle des sentiments qu’elle avait eu tant de mal à enfouir.
Sur cette trame, Boyle compose son récit, mais surtout il fait le lien avec ses deux romans précédents. On retrouve Alessandra, un des personnages essentiels de Gravesend, l’univers des personnes âgées, des paumés, des enfants perdus que Tout est brisé avait poursuivi, et surtout ce quartier de Brooklyn où Amy finit par être happée. Ce quartier forme un véritable territoire littéraire, à la manière du Boston de Dennis Lehane ou d’Oxford chez Larry Brown. Un morceau de ville pourtant sans saveur particulière, sinon, comme dans d’autres villes américaines, des populations d’origines variées, italienne en particulier, mais aussi russe, juive, portoricaine. Le lecteur se réapproprie des repères intertextuels, des faits divers comme des fragments de mythologies en quelque sorte, qui constituent l’histoire du lieu, que chacun des habitants a intégré dans sa propre évolution ; tout un monde de petites gens, à la fois tendre et mélancolique, qui mêle les générations entre elles, que les protagonistes soient du bon ou du mauvais côté de la barrière. Et exactement comme on ne quitte jamais tout à fait sa famille, et comme on ne la choisit pas non plus, certains vont subir le quartier toute leur vie durant, vont chercher à le fuir sans jamais y parvenir tout à fait, ou vont composer avec ces racines qui les dépassent.
Toute la réussite de Boyle est là, au-delà de chaque livre et de son intrigue propre : parvenir à créer une atmosphère spécifique qui rend palpable ce quartier dans toute sa diversité sociale et humaine, composant des personnages dans l’intimité desquels on plonge littéralement : illusions, faiblesses, attachements, lâchetés, amours, poids du passé et désirs d’avenir… Avec ce troisième roman, William Boyle « fait œuvre » et s’inscrit sans conteste parmi les auteurs américains à suivre.

Lionel Destremau

Le Témoin solitaire, de William Boyle
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Simon Baril, Gallmeister, 288 pages, 22,40

L’empreinte de Brooklyn Par Lionel Destremau
Le Matricule des Anges n°197 , octobre 2018.
LMDA papier n°197
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