Après le prometteur Été des charognes, Simon Johannin revient avec un texte co-signé par Capucine, qui délaisse les zones rurales pour la région parisienne. Nino Paradis, la vingtaine, galère à joindre les deux bouts. Il tente de s’engager dans la Légion étrangère, multiplie les petits contrats et les vols à l’étalage pour survivre, et vit avec sa copine Lale dans un squat insalubre. La misère guette. Débrouillard (« Je cherche le bout du départ pour nous dérouler la grande vie, te tailler des tangas dans le tapis rouge et plus jamais suer à courir après ce qu’il faut pour passer d’un jour à l’autre. Je sais pas comment faire, alors je sors guetter, brancher la vigilance dans la rue pour voir si des fois de l’or sortirait pas de ses trous »), Nino monte un business de thé aux herbes pas vraiment légales pour calmer les mamies atteintes d’Alzheimer, refourgue des bijoux volés à un client en Belgique, et se noie dans la fête. La jeunesse de Nino dans la nuit se fait exploiter par des patrons gominés qui tiennent plus de la bête que de l’humain, arpente les quartiers de la Gare du Nord jusqu’à l’épuisement, avant de rentrer se terrer dans des banlieues où l’espoir d’une vie passable, primaire et décente lui est chaque jour refusé. L’oubli est donc le seul rêve possible. « Arrivés dans la fosse on lâche tout, les gros félins, les oies et les bêtes fantastiques, et shootés aux pilules et aux poudres on avance verre en main là où le son est de plus en plus fort. » Jusqu’à ce que Nino participe à plusieurs campagnes de publicités, qui l’envoient un peu partout et remplissent son compte en banque, il n’y avait plus vraiment d’espoir ni de perspectives, à part les prescriptions pharmaceutiques à plusieurs pages.
Bien loin de la poétique crue et brutale de L’Été des charognes, ce deuxième roman beaucoup plus prosaïque dépeint un combat quotidien perdu d’avance, puisqu’à 20 ans il est déjà trop tard : « trouver une place ici n’a plus d’importance, celle qui nous attend sera au premier rang des enfers. »
Camille Cloarec
Nino dans la nuit
Capucine et Simon Johannin
Allia, 288 pages, 14 €
Domaine français Nino dans la nuit, de Capucine et Simon Johannin
janvier 2019 | Le Matricule des Anges n°199
| par
Camille Cloarec
Un livre
Nino dans la nuit, de Capucine et Simon Johannin
Par
Camille Cloarec
Le Matricule des Anges n°199
, janvier 2019.