Une jeune femme est agressée et violée à la sortie d’un bar. « C’est étrange, d’habitude on ne me voit pas, d’habitude on oublie mon prénom. » Et décide de porter plainte. De donner suite. De se confronter aux autorités policières, médicales, judiciaires, avec leurs langages, leur détachement, leurs problèmes administratifs. Nous sommes en Belgique, à Bruxelles, mais nous sommes partout. Laure Chartier raconte par le menu toutes les étapes qui vont la conduire au procès puis à la condamnation du coupable. Et c’est avec beaucoup de délicatesse, avec le recul de deux années, qu’elle peut mettre des mots sur la façon dont sont traitées les victimes de viol. Avec parfois aussi, un peu d’humour, face à l’absurdité des situations ou à la maladresse de certains qui veulent bien faire. Du psychiatre qui lui propose l’internement, aux policiers qui veulent des détails, de la gynécologue qui l’examine, aux avocats qu’elle nomme Ken et Barbie, et dont elle n’est qu’une cliente parmi d’autres, tous sont là et mettent en œuvre les procédures habituelles dans ces cas-là.
Et elle doit raconter et raconter encore. Mais il manque l’essentiel : l’humanité, la compassion face à la douleur, le respect face au courage de cette jeune femme qui se bat. Cette aide, ce soutien, elle les trouve chez ses deux amies, ses anges gardiens, et chez ses parents qui l’accompagnent et la soutiennent. Car pour elle bien sûr, la vie continue. Elle ne veut pas devenir une victime, elle est comédienne, elle doit répéter, se préparer pour une première qui approche. Et parallèlement il lui faut prendre des traitements anti-hépatite, anti-chlamydia, anti-sida, obtenir que les rendez-vous, nombreux, tiennent compte de son agenda personnel. Pas de grands mots, pas de théories, mais le récit tout simple d’une histoire qu’on ne peut oublier. Et lorsque deux ans plus tard elle retourne dans le bar où tout a commencé, elle s’entend raconter sa propre histoire : « Tu sais qu’ici une fille s’est fait violer ? » Alors oui, « c’est très étrange d’entendre quelqu’un parler du pire jour de sa vie avec une telle légèreté.(…) Je suis un fait divers. Merde. »
PGB
Un fait divers, de Laure Chartier
Lansman, 44 pages, 8 €
Théâtre Un fait divers, de Laure Chartier
mars 2019 | Le Matricule des Anges n°201
| par
Patrick Gay Bellile
Un livre
Un fait divers, de Laure Chartier
Par
Patrick Gay Bellile
Le Matricule des Anges n°201
, mars 2019.