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Domaine étranger Contre toute attente

novembre 2019 | Le Matricule des Anges n°208 | par Catherine Simon

De Patience à Winnie (Mandela), l’écrivain sud-africain Njabulo Ndebele suit le parcours de solitude de femmes délaissées par leurs maris.

Le Lamento de Winnie Mandela

Elles sont des millions sur la planète, les descendantes de Pénélope : des femmes qui attendent ad vitam le retour d’un mari, d’un amant, et dont on loue, non sans perversité, « l’exemplaire fidélité ». En Europe, on a patienté jusqu’aux années 1970 et à Barbara (Dis, quand reviendras-tu ?), pour voir enfin raillée l’assommante « vertu » des « femmes de marin ». Idem ou presque en Afrique du Sud. Car là aussi, Pénélope a la vie dure. Système d’apartheid aidant, les épouses ont subi, pendant plus d’un siècle, l’interminable épreuve de la séparation, leurs hommes partant des mois, voire des années, travailler à l’autre bout du pays, « dans les mines, les usines et les fermes » tenues par les maîtres blancs. Plus tard, leurs chers et tendres sont devenus instituteurs ou représentants de commerce, mais aussi militants anti-apartheid, certains se retrouvant condamnés à l’exil ou à la prison. Sans oublier les éternels cavaleurs, qui ont abandonné bobonne et les moutards pour aller voir ailleurs. Bref, le thème de Pénélope (et de son Ulysse, parti naviguer un matin et revenu dix-neuf ans plus tard) est aussi riche qu’universel. Et boudé par la littérature…
Ce n’est pourtant pas pour cela que Le Lamento de Winnie Mandela séduit et captive. Il est rare, d’abord, de voir un homme se mettre, avec autant d’obstination, de délicatesse et de touchante maladresse, dans la peau romanesque de personnes/ personnages du « sexe opposé » : quatre femmes sud-africaines en l’occurrence, quatre « descendantes de Pénélope ». Le mari de Delisiwe, parti étudier la médecine à l’étranger, en est revenu au bras d’une autre. Mannete est restée en rade avec ses cinq enfants, son homme ayant filé s’embaucher comme mineur, sans laisser d’adresse. La troisième, Patience, est l’épouse d’un dirigeant de l’ANC, que la clandestinité a éloigné à jamais de sa vie, la laissant quasi folle. Quant à Mara, la quatrième, mariée à un cadre supérieur, coureur de jupons invétéré, elle s’est retrouvée veuve assez vite – sans être libérée, pour autant, de la pression sociale. De chacune de ces héroïnes, Njabulo Ndebele suit l’impressionnant parcours intérieur. Et ce n’est pas triste !
Car ces quatre esseulées ont fondé, non sans humour, un petit club des femmes larguées. Elles se retrouvent régulièrement autour d’un thé. Un jour, par jeu, elles se lancent, l’une après l’autre, dans une harangue adressée à une cinquième de leurs semblables, archi-célèbre pour le coup : Winnie Mandela (1936-2018), épouse de Nelson, idole des foules et vedette médiatique, et qui fut, à la fin de sa vie chaotique, aussi redoutée que haïe. C’est là que le roman de Ndebele frappe fort : noir et sud-africain, l’auteur brosse un portrait à la fois empathique et très critique de cette femme hors norme, condamnée, à l’instar des vraies grandes stars de cinéma, à incarner for ever un personnage public, tandis que sa propre personne, c’est-à-dire sa singulière humanité, se retrouvait niée, consumée, invisibilisée.
Mêlant habilement réel et fiction, Ndebele remet Winnie Mandela à sa place : dans une solitude implacable, partagée par des millions de Pénélope, mais décuplée jusqu’à la monstruosité par la notoriété et un tempérament de feu. Ainsi, la lettre, bien réelle, d’une grossièreté inouïe, qu’elle écrivit à l’un de ses amants et fit, du vivant de son célèbre époux, publier dans la presse, est reproduite in extenso dans le roman. De même, sont cités des extraits de la Commission Vérité et Réconciliation. Rien de cela ne nuit, au contraire, au souffle romanesque. D’ailleurs, à la fin du livre, quand surgit la silhouette d’une ascétique randonneuse – Pénélope, herself ! –, personne ne s’étonne…
Fable rugueuse et magnifique, Le Lamento de Winnie Mandela est le troisième ouvrage traduit en français (ici par l’impeccable Georges Lory) de Njabulo Ndebele, chancelier de l’université de Johannesburg et brillant chroniqueur des temps modernes.

Catherine Simon

Le Lamento de Winnie Mandela, de Njabulo Ndebele
Traduit de l’anglais (Afrique du Sud) par Georges Lory,
Actes Sud, 222 pages, 22

Contre toute attente Par Catherine Simon
Le Matricule des Anges n°208 , novembre 2019.
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