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Domaine étranger Des murs à abattre

janvier 2020 | Le Matricule des Anges n°209 | par Lionel Destremau

L’écrivaine américaine Mesha Maren nous plonge dans les méandres d’un temps où les promesses d’avenir se font à l’ombre du poids du passé.

2007 : après dix-huit ans en cellule à la prison de Jaxton, Jodi McCarty respire. Elle a trente-cinq ans, obtient une liberté conditionnelle à laquelle elle ne s’attendait pas et qui lui ouvre la voie de la rédemption. C’est du moins dans cet esprit qu’elle se met en chemin, espérant retrouver Ricky Dulett, le petit frère de Paula, jeune femme qu’elle a assassinée quand elle n’était encore qu’une adolescente et qui continue de la hanter. Mais sur sa route, elle croise Miranda Matheson, la vingtaine, déjà mère de trois enfants et qui cherche à fuir son vieux chanteur de country de mari. Pour Miranda, « quand elle était enceinte, tout redevenait simple, la vie n’était plus qu’un enchaînement de sensations », mais très vite, après les naissances, l’« anxiété frissonnante » la reprenait, et au quotidien seul un savant dosage d’amphétamines lui permet de garder cette forme de grâce intérieure qui la porte, « mélange déroutant d’assurance et de timidité ». Jodi tombe sous le charme, et ensemble elles vont tenter de refaire leurs vies, récupérer les enfants de Miranda, retrouver Ricky et l’extraire d’une existence épuisée au sein d’une famille abusive, rejoindre les montagnes de Virginie-Occidentale qui ont bercé l’enfance de Jodi auprès de sa grand-mère…
Seulement, « quand Jodie habitait encore à la ferme avec ses parents, son esprit était déjà tourné vers ses souvenirs. Peut-être était-elle née ainsi, emplie d’un désir rétrospectif », et ce qu’elle a vécu dix-huit ans emmurée l’a comme figée dans le passé. Un passé que Mesha Maren narre dans une alternance de chapitres (les années 1988-89, écrits eux au présent, avec l’époque actuelle), relatant la relation entre Jodi et Paula et son épilogue dramatique, et provoquant un étrange décalage. Ce procédé de perpétuation va révéler à la fois le cadre et les personnages du roman et lui donner une dimension supplémentaire. Fantasmes ou cauchemars, réminiscences, bribes de mémoire, rappels visuels ou pertes de repères (Jodi perd son chemin dans sa propre ville) s’installent au fil de la lecture, et font office de caisse de résonance sur le monde extérieur, celui d’une Amérique moderne usée, de paysages magnifiques certes, que l’auteure décrit à merveille, mais comme attaqués de toutes parts. Friches industrielles, petites villes en déshérence, mobil-homes sans âge, routes poussiéreuses sous une lumière étouffante, terre qui craquelle et s’effrite… Et les personnages de s’effriter à leur tour, comme étouffés sous un passé individuel autant que leur inscription dans une histoire collective de « culs-terreux sous-éduqués dans une petite ville », où le refus de l’oubli et du pardon, les préjugés, l’homophobie notamment, surgissent à l’improviste.
Jodi et Miranda ont en commun les mauvais choix faits à l’adolescence, mais l’une et l’autre se tournent résolument vers l’avenir, tentent de dépasser les conséquences de ces choix qui les engluent dans le présent. Et en cela réside toute la force lumineuse de ce roman, le souffle de vie qui s’en dégage envers et contre tout. Jodi cherche à se racheter sans doute, en éloignant Ricky d’un père tyrannique, en sauvant Miranda de l’auto-destruction, en essayant de procurer un foyer stable aux enfants de sa compagne, et se faisant elle prend le risque «  de passer à travers la toile du temps, de se perdre quelque part entre rêves et souvenirs », pour tenter d’accéder enfin à une réalité tangible, peut-être…
Un premier livre surprenant par sa maîtrise et son mélange des genres, s’attachant à la manière d’un Larry Brown à des vies négligées et des âmes fêlées, mais avec un ancrage physique au monde, parfois cru, parfois sensuel, qui n’est pas sans rappeler la puissance des romans de Laura Kasischke.
Lionel Destremau

Sugar run, de Mesha Maren
Traduit de l’américain par Juliana Nivelt, Gallmeister, 382 pages, 23,60

Des murs à abattre Par Lionel Destremau
Le Matricule des Anges n°209 , janvier 2020.
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