Des grandes tendresses aux vives détresses. Des voix originales, buissonnières, aventureuses, qui en pincent pour le réel, et disent souvent le désenchantement avec une douce ironie. Voilà peut-être l’ADN du Dilettante. Rééditeur formidable (Calet, Forton, Vialatte, Giraud, Hyvernaud…) qui en inspira une flopée d’autres, découvreur au flair sûr. Dominique Gaultier, nourri de culture libertaire, édite selon son bon plaisir. Peu sensible à l’air du temps. Indémodable ? En février dernier, la marque au chat qui dort sur le rabat des couvertures a fait paraître La Femme de ma vie, de Floc’h. C’est son 400e titre. Coup d’œil dans le rétro.
Le Dilettante perpétue la tradition de libraire-éditeur. Vous vous exposez ainsi, physiquement, aux recalés, à ceux auxquels vous avez refusé un manuscrit. N’est-ce pas périlleux ?
Aucune volonté délibérée de perpétuer je ne sais quelle tradition… Je suis un lecteur et j’aime les livres… l’objet ! Travailler au milieu d’eux est un vrai bonheur. J’ai commencé dans la vie professionnelle comme aide-comptable (2e échelon), ce qui a provoqué en moi une phobie de la vie de bureau et de son environnement hostile. Classeurs, photocopieuse, etc. De plus, en étant à la caisse, cela me permet d’échanger avec mes clients qui sont pour la plupart de très gros lecteurs, des sources de savoir et d’érudition dans lesquelles j’aime m’abreuver… Quant aux recalés qui viennent rechercher leurs manuscrits, si le climat est quelquefois tendu, les échanges verbaux un peu vifs, on n’en vient qu’exceptionnellement aux mains. Juste de quoi fournir quelques anecdotes pour les dîners en ville…
En quoi la littérature que vous publiez serait un marqueur (ou une absence de marqueur) de notre époque ?
Ce n’est pas à moi de répondre. Il faut bien laisser aux journalistes, universitaires, sociologues et spécialistes en tous genres le soin de répondre à cette question que je ne me pose pas. J’ai commencé mon activité d’éditeur par la réédition d’auteurs injustement oubliés après les avoir conseillés en tant que libraire auprès de ma clientèle. Simplement pour partager des bonheurs de lecture… Bien sûr, en défendant ces auteurs on privilégie une esthétique et on condamne malgré tout d’autres écritures.
N’ayant pas fait d’études, mon goût s’est construit à la suite d’une boulimie de lectures. À l’école, dernier en gym, dernier choix dans l’équipe de foot, et pas de télévision à la maison, je me suis réfugié dans la lecture. Bien m’en a pris… Avant d’avoir l’autorité du libraire ou de l’éditeur, j’étais complexé de ne pas adhérer aux choix de l’intelligentsia. Quand j’ai pu enfin affirmer mes goûts auprès de lecteurs, je me suis aperçu que les retours étaient excellents. À partir de là j’ai continué.
Hormis quelques fidélités (Laurent Graff, Alain Guyard…), Le Dilettante accorde surtout une grande place aux débutants. Pour quelles raisons ?
Oserais-je vous dire que vous vous trompez ?...
Éditeur Le Dilettante sans repos
juillet 2021 | Le Matricule des Anges n°225
| par
Philippe Savary
La maison d’édition, fondée en 1984 par Dominique Gaultier, cultive son goût des livres avec une belle endurance. Elle vient de publier son 400e titre.
Un éditeur