La dépression du collectionneur lui est inattendue. Il a passé des décennies à rassembler ses trésors tant convoités, et au bout de la série c’est le vide : comment et que désirer encore ? Christophe Bier a raconté dans L’Obsession du Mato-Grosso sa quête fiévreuse des 98 titres de la Select Bibliothèque (Lmda N°232), son enquête pour découvrir que tous étaient de Paul Guérard sous une foule de pseudonymes, et sa fascination pour ces livres illustrés de « l’animalisation », du bondage, des troubles relations de domination et de soumission dans le décor chic et désuet d’avant-guerre. À la fin de son récit, Bier annonçait son projet de faire renaître la collection sous le nom du « fils » de « Don Brennus Aléra », l’un des pseudos de Guérard.
C’est chose faite : Femellisé et La Chienne fatale, désormais les Nos 99 et 100 de la mythique collection, paraissent sous la belle maquette de la Select, avec illustrations comme elle (plus la petite phrase tirée du texte comme dans les Jules Verne), et dans la continuité narrative d’Attelages humains et Écuries humaines qui bouleversèrent le jeune Bier dans les années 1980. Le résumé de Femellisé à la fin de La Chienne fatale donne une idée de l’humour discret de l’auteur : « Comment Henri d’Alaincourt, un jeune aristocrate promis à un avenir brillant, se métamorphose en Riri, caniche femelle, par le caprice de sa tante et de sa sœur aînée. Attelages humains, féminisation, dressage canin, modifications corporelles, esclavage ». Notons à la fin des ouvrages l’annonce des suivants sous d’autres hétéronymes de Bier, hérités eux aussi de Guérard en père littéraire : Fleurs de mâles, « Un grand roman exotique de Léon Despair », et Les Geôles de la Cité Chaptal, « Une aventure infernale d’Érika Montlaur ». Une entreprise éditoriale un peu folle, une démarche pessoienne. Attention, danger de collectionnite.
J.C.
Femellisé
Don Brennus Aléra fils
Select Bibliothèque, 170 pages, 20 €
Domaine français Femellisé
juillet 2022 | Le Matricule des Anges n°235
| par
Jérôme Delclos
Un livre
Par
Jérôme Delclos
Le Matricule des Anges n°235
, juillet 2022.