La rédaction Jérôme Delclos
Articles
Un livre
Ne pleure pas sur moi

de
Samuel Lebon
Une gueuse sans faux-col
Un roman comme Paris ne sait pas en faire, acide, tendre et grave. Bière belge à déguster.
Le dossier de presse montre Samuel Lebon, « anachorète à ses heures (…) ingénieur déserteur et photographe couleur ». Il est torse nu, arbore la tignasse et la barbe couleur d’étoupe d’un serial killer nordiste, genre « le Ramoneur des Ardennes » évoqué dans son livre. Posté à une fenêtre en hauteur, il tient un appareil photo, l’accessoire du voyeur professionnel. Le dossier mentionne, en guise d’alibi, qu’il « se consacre actuellement à la littérature dans un donjon panoramique avec vue sur la Belgique » – du carcéral, du pervers ou les deux. Son roman, lui, se situe quelque part entre...
Vies et légendes de « Deadwood Dick »
Nat Love (1854-1921), ancien esclave, se réinvente par l’écriture en sujet de sa propre histoire. Un puissant récit d’émancipation.
Le western est un tissu de mensonges, d’oublis, de gros arrangements avec l’Histoire : le mythe fondateur d’une nation colonisatrice, esclavagiste et génocidaire. De prolos de ranch, portant Colt sur la hanche et Stetson sur la tête, peintres, photographes et plumitifs font très tôt un cirque, comme celui de « Buffalo » Bill Cody l’exterminateur d’Indiens et de bisons, où l’on exhibait de...
Le numéro de la valise
Avec ce livre comme un tour de passe-passe, Enrique Vila-Matas joue les illusionnistes. Beau truc.
On sous-estime le drame de l’écrivain bibliomane. Le malheureux endure non pas le vertige de la page blanche mais celui de la noire : une parasitose jaillie de la Bibliothèque, tous les livres qu’il a lus venant se jeter sur ses pages comme une colonie de poux sur les cheveux d’un gosse. Les traitements n’y font rien, le peigne à ratisser les lentes laisse encore passer entre ses dents de...
Un livre
Perdre

de
Jean Carrère
Déroute story
Deux en un : du trash en Asie samplé avec les guerres très sales du Proche et du Moyen-Orient. Un mix noir et bien barré.
Jean Carrere a été reporter de guerre, en est sorti sur les rotules. Tout comme « Charles Salem » le narrateur de Perdre, premier roman. Dans le livre, neuf parties en italique, souvenirs de guerre, scandent la narration d’un road-trip en Asie. Un passé qui hante le personnage principal du roman « cynique et désabusé », dit le dossier de presse. Mais c’est peut-être surtout Carrere qui se...
À sauts et à gambades
Le jeu d’échecs comme blason pour un livre cavalier. Audacieuse, une partie de maître, par Jean-Philippe Toussaint.
L’Échiquier a son centre, page 104, dans un souvenir d’enfance : Jean-Philippe Toussaint découvrant à 7 ans « la marche du Cavalier (…) seule pièce de l’échiquier qui pouvait sauter les obstacles ». Cette pièce redoutable parce que mobile et rapide donne au livre son allure au sens où l’entendait Montaigne, homme de cheval : « J’ayme l’alleure poétique, à sauts et à gambades ». Sauts et...