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Théâtre Le corps de la honte

novembre 2022 | Le Matricule des Anges n°238 | par Laurence Cazaux

Les pièces de François Hien s’inspirent souvent de débats de société. La Honte fut écrite en 2018, un an après le mouvement #metoo.

La Honte s’ouvre sur cette première séquence : un soir, Louis Worms, professeur d’université, reçoit chez lui Géraldine Ruben, qui veut de toute urgence lui poser des questions au sujet de sa thèse qu’elle doit rendre sous peu. Louis s’adresse au public, c’est son point de vue qu’il expose, puis la scène entre lui et son étudiante se rejoue. Une fois les questions professorales terminées, Louis Worms offre un verre à la jeune fille, la discussion s’engage, forcément plus intime, un deuxième verre est partagé, le professeur de 55 ans est troublé par sa jeune étudiante et a une relation sexuelle avec elle. Il va vite, elle se laisse faire. Quelques semaines plus tard, comme elle ne va pas bien, Géraldine Ruben évoque ce moment avec une amie. « Tout à coup, la soirée avec Worms s’est libérée de tout l’édifice mental que j’avais bâti pour m’en sentir coupable, et l’évidence était là : j’avais été agressée. » Elle décide de porter plainte pour agression puis viol contre son directeur de thèse. La section disciplinaire de l’université charge deux professeurs, Clémence Grisou et Mathieu Luziro d’examiner les faits, pour déterminer s’il y a eu viol. La pièce se poursuit avec, entre autres, l’audition de Géraldine Ruben, puis celle de Louis Worms, puis les plaidoiries des deux profs, Mathieu Luziro défendant Worms et Clémence Grisou Géraldine Ruben… L’auteur a même prévu un entracte, comme pour nous laisser le temps, à nous lecteurs, de nous poser les nombreuses questions que suscite La Honte  : sur les rapports de domination entre les hommes et les femmes, les rapports de pouvoir aussi entre un enseignant et son élève, le conditionnement dans la façon d’agir d’une femme, le consentement dans une relation sexuelle, les violences sexuelles, les luttes féministes…
La pièce est forte et nous bouscule intimement. Elle a provoqué tellement de débats et de controverses, dans les équipes qui ont travaillé le texte, les comités de lecture qui l’ont soutenu ou les associations militantes, que pour en rendre compte, deux autres versions sont proposées à la suite, présentées comme une édition critique par l’auteur lui-même. Pour François Hien : « L’histoire compliquée de cette pièce fait qu’il ne peut en exister de version écrite “canonique”. Certaines mises au plateau ont choisi de partir d’un certain état du texte, d’autres ont procédé à des choix différents. (…) Si la pièce a tant de mal à se fixer, je crois que cela tient aussi à son caractère problématique. Oui, cette pièce pose problème. Pas à tout le monde, pas toujours pour les mêmes raisons, et ces difficultés ne sont pas solubles de manière univoque. » Comme le raconte Pauline Sales, qui a interprété Clémence Grisou dans la mise en scène de Jean-Christophe Blondel, « La pièce a suscité et suscite encore bien des débats entre nous, dans l’équipe. Elle agit de manière souterraine. Elle nous oblige sans cesse à nous positionner sur des petits riens et de grands fondamentaux. Elle agit de la même manière sur les spectatrices et spectateurs. Elle déclenche une parole nécessaire, qui se poursuit bien au-delà de la représentation. Pour une fois, on parle du contenu de la pièce, ce qui n’est pas toujours le cas. » Et c’est peut-être à cet endroit-là que la pièce est importante, en ce qu’elle nous questionne au plus intime, sur l’endroit de la violence faite aux femmes, ou sur comment nous forgeons nos propres jugements. La Honte nous invite à changer de focale, comme le fait Clémence Grisou. Cette histoire va la faire entrer en rupture avec elle-même, pour arrêter « Ce regard qui nous met (les femmes, ndlr) seconds rôles de nos propres existences. »
Le texte parle de la honte que l’on porte. Au départ, elle est celle de Géraldine. Elle va, finalement, changer de camp et échoir à Louis Worms. Pour François Hien, son texte est l’histoire d’un transfert de honte. « L’histoire d’une lutte souterraine entre des corps pour savoir lequel d’entre eux occupera la “place de la honte“ ».


L. Cazaux

La Honte
François Hien
Éditions Théâtrales, 180 pages, 16

Le corps de la honte Par Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°238 , novembre 2022.
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