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Domaine français Riches ruches

janvier 2023 | Le Matricule des Anges n°239 | par Anthony Dufraisse

Pour Patrick Cloux, apiculteur amateur, un rucher est source d’inspiration et de méditation.

Les lunettes que porte Patrick Cloux sont rouges et pourtant il voit la vie en bleu, couleur de la peinture de ses trois ruches. À les voir ainsi peinturlurées, l’ancien libraire, auteur d’une quinzaine d’ouvrages (sa prose a essaimé chez une demi-douzaine d’éditeurs), se croirait en Grèce. Une ruse chromatique pour « voyager à moindre frais », s’amuse-t-il. Ces ruches qu’il a récupérées auprès d’un paysan qui s’en séparait, il s’en occupe en amateur mais attention, pas en dilettante. Il veille sur elles et cela éveille en lui, déjà porté à la contemplation de la nature, bien des réflexions. Ou plutôt des méditations. Ou pour mieux dire encore : une médication de l’âme. « Mes trois ruches font de moi un voyeur. Elles sont ma Chine intérieure, mes milliers de petites mains et je suis en retraite, déjà tout racorni. En elles je me rétablis. »
Ces ruches observées au fil des saisons deviennent en effet un objet de médiation avec la nature mais aussi, par contraste, avec ce qui, dans l’homme contemporain et notre société hyper-technicienne, s’éloigne d’elle trop souvent. Le rucher de Patrick Cloux c’est, pourrait-on dire, une variante du rocher de Sisyphe, mais d’un Sisyphe qu’il faut, comme disait Camus, imaginer heureux. « Il y a dans chaque ruche un ferment d’avenir, un sens aigu de la continuité. Une réelle espérance que l’homme doit saisir », veut croire l’écrivain qui entend dans le bourdonnement constant des ouvrières la bande-son sinon d’un certain bonheur, du moins d’une sérénité certaine. À croire que cette condition d’apiculteur improvisé l’ouvre encore plus à l’évidente beauté de Mère Nature, virtuose en son royaume. De jour, le vrombissement de ce petit monde sous cloche, « un couvent de moniales, organisé sous la direction sans faille d’une Supérieure », la Reine pondeuse bien sûr, n’est pas loin, dirait-on, de rivaliser avec les Nocturnes de Chopin interprétées au piano par la grande Brigitte Engerer qu’écoute Patrick Cloux…
Au chevet de ses ruches, notre homme fait donc son miel du temps qui passe. L’image est un peu facile, on l’admet volontiers, mais elle dit bien toute la richesse métaphorique du sujet. Il aurait pu composer, comme il y a pensé un temps, un Court traité de butinage ou réitéré, version auvergnate, La Vie des abeilles de Maeterlinck, mais Cloux, plus modestement, préfère butiner, partager quelques intuitions plutôt que de se répandre en instructions. « Bien des philosophes ont tenté depuis Socrate de saisir en quoi consiste l’esprit de la ruche. Celle qu’on habite ici et celle qui nous entoure. Il suffit, je crois, de regarder ici et là avec sagacité, de l’homme à l’abeille, de l’insecte à la fleur (…). Il est si bon de se laisser guider par plus petit que nous. »
Si Patrick Cloux évoque avec émotion André Hardellet, son « maître en prose poétique », on pense aussi, en sa compagnie douce et bienveillante, à bien des pages du désormais trop méconnu et oublié Marcel Arland. Orfèvre du « simple récit rustique » – qui n’est, au vrai, pas si simple qu’il veut bien le dire, car le style est travaillé –, Cloux nous apaise par sa prose qui se refuse au lyrisme (il a trop de pudeur pour ça) mais cède volontiers à « une spiritualité diffuse ». Dans sa combinaison d’apiculteur ou vêtu de sa grande chemise à carreaux, il nous interpelle de sa voix feutrée. « Artisan à main nue (de) révélations mineures », l’auteur prêche de temps en temps dans les écoles la bonne parole des abeilles. Son expérience sur le tas et le tard à l’appui, il en espère des « essaims d’inventivité » au sein de la jeune génération. Forçant un peu sa nature solitaire qui le tient à bonne distance de l’espace public et des relations dites sociales, il s’emploie à susciter l’intérêt des collèges environnants, qui sont eux aussi, si on veut bien filer la métaphore, des ruches porteuses d’avenir.

Anthony Dufraisse

Trois ruches bleues
Patrick Cloux
La Fosse aux ours, 188 pages, 19

Riches ruches Par Anthony Dufraisse
Le Matricule des Anges n°239 , janvier 2023.
LMDA papier n°239
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