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Domaine français Noir Pakistan

janvier 2023 | Le Matricule des Anges n°239 | par Lionel Destremau

Après une série policière dans le Grand Nord, Olivier Truc s’écarte du peuple Sami pour s’attaquer à l’affaire de l’attentat de Karachi.

Les Sentiers obscurs de Karachi

Le 8 mai 2002, un attentat à la bombe tue onze techniciens français de la Direction des constructions navales devant l’hôtel Sheraton de Karachi, au Pakistan, et en blesse plusieurs autres. Tous travaillaient sur un sous-marin destiné au gouvernement pakistanais. Tous venaient de l’arsenal de Cherbourg. On attribue d’abord l’attentat à Al-Qaida, qui le revendique, et puis cela semble s’arrêter là… Aucun lien n’est alors établi entre ce carnage et la vente par la France de ces trois sous-marins à l’État pakistanais, jusqu’à ce que des rétrocommissions occultes n’apparaissent, et que l’on découvre qu’elles ont probablement servi à financer la campagne électorale d’Edouard Balladur. Tout fut étalé dans la presse, mais malgré les procès, les condamnations furent mineures… et surtout on ne détermina jamais les véritables raisons de l’attentat, ni ne mit un nom sur ceux qui l’ont fomenté.
Vingt ans plus tard, Jef Kerral, un jeune journaliste breton, s’empare de l’affaire. Il part pour Karachi, non pas en quête d’une vérité définitive sur l’énigme irrésolue, mais pour retranscrire à la fois une étonnante amitié entre deux personnes impliquées à l’époque – un ingénieur français et son homologue pakistanais –, et pour donner voix aux victimes qui ont été abandonnées par la justice. En bon journaliste, Olivier Truc a analysé le dossier, et s’est rendu sur les lieux. Pourtant Les Sentiers obscurs de Karachi n’est pas un thriller politique qui viendrait offrir des révélations. Le romancier distille les informations de telle manière qu’elles imprègnent un récit qu’il va aussi nourrir de poésie ourdoue, et le cœur du roman est avant tout porté par ses personnages et la façon dont ils vont évoluer dans un Pakistan que l’on découvre par petites touches. Jef est le fils d’un ingénieur de la DCN qui a autrefois choisi de couvrir l’entreprise plutôt que de prendre le parti des familles de victimes. À Karachi, il rencontre Sara, guide et interprète, qui va le mettre en relation avec l’ingénieur pakistanais qui était devenu l’ami de l’un des survivants français de l’attentat. Sara aussi a un père qui semble avoir été mouillé dans cette histoire. Les deux jeunes gens vont se retrouver sur le terrain mouvant de leur rapport au père, de ce qu’ils cachent, tout en remuant le passé dans une ville et un pays qui appartiennent littéralement à l’armée et où il ne fait pas bon chercher à jeter une quelconque lumière sur une corruption endémique. Se faisant, on est plongé dans un monde pakistanais qui vit dans la hantise de l’ennemi indien d’une part, et d’autre part le cauchemar des attentats à répétition entre factions rivales.
Quand le roman commence nous sommes en avril 2022, et il y a déjà eu douze attentats meurtriers, le dernier en date étant celui devant une école de jeunes filles, signant « une recrudescence des menaces liée au retour des talibans au pouvoir en Afghanistan, qui pourraient tenter de déstabiliser le Pakistan voisin, ou peut-être de groupes djihadistes concurrents des talibans, pour embarrasser le gouvernement pakistanais qui avait toujours été un soutien fidèle des talibans… » Mais alors pourquoi l’attentat de 2002 a-t-il laissé autant de traces au Pakistan, alors qu’il a fini par être passé sous silence en France ? Peut-être parce que cette fois-là il s’agissait de victimes occidentales, et peut-être aussi parce que certains Pakistanais se sentent bafoués dans leur honneur dans cette histoire. Une autre guerre se joue à l’intérieur du pays, entre les tenants d’une forme de droiture quasi ancestrale, les petits arrangements permanents entre différentes castes sociales pour tenter de sortir de sa condition et la vénalité qui a corrompu bien des individus. Au-delà des possibles clés d’interprétation de l’attentat que le livre finit par dévoiler, c’est bien là que réside la force de ce roman noir, nous faire toucher du doigt la complexité de l’âme pakistanaise, entre poésie résistante et luttes de pouvoir.

Lionel Destremau

Les Sentiers obscurs de Karachi
Olivier Truc
Métailié, 270 pages, 19,60

Noir Pakistan Par Lionel Destremau
Le Matricule des Anges n°239 , janvier 2023.
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